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THIERRY MARIANI – "Il faudrait inciter les expatriés à investir en France, mais on fait l’inverse"

Écrit par Lepetitjournal Bangkok
Publié le 28 octobre 2015, mis à jour le 8 février 2018

Thierry Mariani, député élu de la 11e circonscription Asie-Océanie, était en visite en Thaïlande et en Birmanie la semaine dernière après être passé par l’Australie. Il fait le point avec nous sur la situation des Français de l’étranger en général et dans les deux pays et les questions qui les préoccupent

Le 5 septembre, Thierry rendait visite au directeur francophone de Pattaya, David Micallef. L'école, qui accueille 140 élèves, bénéficie de l’agrément AEFE (photo courtoisie)

Comme il s’était engagé à le faire, Thierry Mariani est venu à quatre reprises cette année : en janvier, en juin, en septembre et la semaine dernière à l’occasion d’un voyage de neuf jours qui a débuté à Melbourne. Après être passé par Pattaya, Chiang Mai et Bangkok, le mois dernier, le député de la 11e circonscription Asie-Océanie est donc revenu à Bangkok les 19 et 20 octobre pour participer au gala de la chambre de commerce. Il en a également profité pour se rendre les 21 et 22 en Birmanie (ce volet sera évoqué dans notre édition du 30 octobre).

Il fait un point avec nous sur la situation des Français de l’étranger en général et des Français de Thaïlande en particulier.

Que retenez-vous de vos deux dernières visites en Thaïlande ?

Le point le plus important à améliorer est clairement la CFE.

La moitié des rendez-vous que j’ai eus à Pattaya portent sur des réclamations vis-à-vis de la CFE.

A Chiang Mai en septembre, notre rendez-vous le plus important a été celui avec l’hôpital Ram, l’hôpital avec lequel la CFE est conventionnée. En quelques mots, les Français sont très satisfaits de l’hôpital, mais ce dernier n’est pas très satisfait des Français.

Quand je dis "les Français", ce ne sont pas les Français de Chiang Mai, mais c’est la façon dont la CFE correspond avec l’hôpital.

Il semblerait qu’il y ait des problèmes de délai de remboursement - on est selon l’hôpital le seul pays à ne pas respecter les délais - et de compréhension - ils aimeraient notamment qu’on leur écrive dans une langue qu’ils comprennent, c’est-à-dire au moins en anglais.

Problèmes de langue, de nomenclature, de délai de paiement : je suis immédiatement intervenu auprès de la CFE.

Entre temps, le président de la CFE m’a répondu, j’espère que les choses vont rentrer dans l’ordre, parce qu’ils [les responsables de l’hôpital, ndlr] ont été très clairs, disant que le contrat était dénonçable d’année en année et qu’ils ne pouvaient pas se permettre d’avoir un partenaire qui mette autant de temps à les rembourser.

Je crois qu’il ne faut pas reproduire à l’étranger les défauts de l’administration française. Il y a des pays où il y a des délais, on se doit de les respecter, quand c’est 15 jours ce n’est pas six mois.

Thierry Mariani (premier droite) accompagné des Conseillers consulaires Marie-Laure Peytel (2e droite) et Michel Calvet (3e droite) en visite à l’hôpital Ram, avec lequel la CFE est conventionnée, le 2 septembre (Photo courtoisie)

Justement, l’insatisfaction de la CFE fait l’objet d’une page Facebook créée tout spécialement. Qu’en pensez-vous ?

D’abord, je tiens à souligner que la France est le seul pays à avoir un système d’assurance pour les expatriés. Après, comme tout système, il est perfectible, et ils ont visiblement pas mal de chemin à faire – même si de nombreux adhérents sont satisfaits de leurs services.

Il est vrai que dès que l’on tombe sur des problèmes un peu complexes, il y a souvent des incompréhensions. Il faut dire que cela correspond à une méconnaissance générale en France de la condition d’expatrié, notamment au sein de certains organismes sociaux.

En tout cas, la CFE doit vraiment s’améliorer sur ce point parce que les expatriés sont tout de même son cœur de métier.

Je pense aussi que la CFE doit aussi être plus claire car sa communication est ambigüe et laisse entendre qu’il s’agit d’une branche de la sécurité sociale.

Quand on lit sur la page d’accueil du site de la CFE "La sécurité sociale des expatriés" et bien la majorité des expatriés comprennent qu’il s’agit de la sécurité sociale française.

Forcément, si les expatriés croient que la CFE c’est la sécurité sociale, ils ne peuvent comprendre ensuite pourquoi elle ne fonctionne pas comme la sécurité sociale.

Je le répète, la CFE c’est positif, je la défends, mais elle ne doit pas jouer sur l’ambigüité.

A l’occasion de sa venue à Chiang Mai en septembre, Thierry Mariani a également rencontré le gouverneur de Chiang Mai, Suriya Prasatbuntitya, qui lui a fait part pour son attachement pour la France et lui a confié vouloir passer sa retraite à Paris (de gauche à droite : Bruno Peytel, Michel Calvet, Suriya Prasatbuntitya, Marie-Laure Peytel, Thierry Mariani, Thomas Baude, consul honoraire pour la région Nord et directeur de l’Alliance Française de Chiang Mai – photo courtoisie)

Quelles évolutions constatez-vous pour ce qui concerne les Français de Thaïlande?

Je trouve que l’on s’améliore nettement du point de vue du service consulaire. La première année, j’avais systématiquement des remarques sur les délais pour les passeports, pour les rendez-vous, les permanences, etc. Je n’ai pas du tout eu cela la dernière fois et je m’en réjouis.

Quand on regarde le nombre de jours d’attente avant l’arrivée de ce nouveau poste l’amélioration est très nette.

J’étais intervenu pour qu’il y ait une personne de plus au consulat, et les services diplomatiques locaux étaient intervenu aussi de leur côté. Les démarches conjuguées ont visiblement permis d’avoir une personne de plus, et le consul nous a dit que cela avait tout changé.

On entend souvent dire en France qu’"il faut faciliter le retour des expatriés", qu’en pensez-vous?

Je pense que c’est un faux problème.

Avoir beaucoup de jeunes diplômés qui partent est un vrai problème et de ce côté-là je suis d’accord qu’il faut ralentir un peu.

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Mais je crois que la vraie question c’est comment permettre à ceux qui vivent à l’étranger -pour des raisons qui les regardent autres que frauduleuses- de maintenir le lien avec la France, tout en se demandant comment la France pourrait en tirer profit et faire de ses expatriés un atout. C’est cela le vrai problème.

Je me souviens d’une réunion, un jour, où quelqu’un a demandé "mais que peut-on faire pour qu’ils reviennent" ? Je suis désolé, on est en 2015, l’économie est mondialisée, le gars qui vit au fin fond de la Corrèze fait des affaires avec le monde entier, et celui qui est à Bangkok peut aussi être utile à la France.

Ce qu’il faut faire à la rigueur, c’est les inciter à investir l’argent qu’ils ont gagné à l’étranger en France.

Or, on fait l’inverse. Le problème de la CSG est un bon exemple. Et le nombre de Français qui me disent "je suis prêt à investir dans un pays sûr et la France est un pays sûr, mais je n’investirai pas en France aujourd’hui car, si je suis expatrié, l’immobilier est surtaxé". Ils investissent donc à Singapour, en Grande Bretagne, en Allemagne, en Italie, etc. Du coup on voit des gens qui regrettent que, malgré eux, on les éloigne de France.

Aux deux tiers de ce premier mandat des onze députés des Français de l’étranger, que relevez-vous de positif?

On ne change pas les choses en trois ans. On les améliore, et on commence à changer la vision. Je pense que les députés de francais de l’étranger, les onze, ont réussi à faire en sorte qu’à l’Assemblée nationale ça change progressivement. Il y a encore beaucoup de chemin à faire…

Jusqu’à présent, les expatriés n’étaient pas représentés à l’Assemblée nationale. Dans la moindre loi qui était votée, personne ne pensait une seule seconde à l’impact que cela pourrait y avoir pour les expatriés. Désormais, les choses ont changé, et sur les onze députés, les quatre principaux partis sont représentés.

Cela veut dire que dans chacun de ces partis, il y a désormais au moins une voix pour les expatriés.

Aussi, je pense qu’au sein du gouvernement, on en tient un peu plus compte. Le Sénat fait bien son travail, mais c’est toujours l’Assemblée nationale qui a le dernier mot. Et dans les ministères on sait désormais qu’à l’Assemblée nationale, il y aura une réaction immédiate [si les Français de l’étranger ne sont pas pris en compte, ndlr].

On le voit d’ailleurs dans le combat que l’on a mené ensemble sur la CSG-CRDS, où on a gagné sur le terrain juridique, il nous reste plus maintenant qu’à gagner sur le terrain politique pour qu’il n’y ait pas d’apartheid entre les différents Français.

A Chiang Mai, environ 70 personnes étaient présentes le 2 septembre à la réunion publique proposée par Thierry Mariani (photo courtoisie)

Quand vous dites "ensemble" vous voulez dire qu’il n’y a pas eu de division politique sur cette question?

Ah si ! Il n’y a que la droite qui a déposé un recours. Aujourd’hui, on arrive à une situation qui est assez paradoxale, c’est qu’en Europe, sur six députés, il y en a quatre qui sont de gauche et deux de droite, mais les Français de Grande Bretagne, d’Allemagne, d’Espagne, vont voir leur CSG remboursée, alors que leur député n’a absolument fait aucun recours.

Je suis enchanté d’avoir travaillé pour nos collègues socialistes, mais maintenant qu’on a gagné sur le terrain juridique, nous avons deux mois sur le terrain politique. Et bien on va voir si le gouvernement est prêt à faire une ségrégation entre les Français : les bons Français que l’on va rembourser, et les mauvais Français que l’on ne remboursera pas. La décision de justice dit que cette taxe doit être payée par qui bénéficie du service. Or, si l’on considère que les Français vivant hors de France en Europe ne bénéficiaient pas du service, que dire de ceux vivant hors de l’Europe ?

Le site Nos députés.fr vous classe parmi les députés les plus assidus et actifs : sur les dix indices qui mesurent l’activité du député, vous apparaissez 9 fois dans les 150 premiers. Comment faites-vous cela ?

Attention, c’est du quantitatif et non qualitatif. Néanmoins, cela permet en effet de se rendre compte que le député est présent et assume son rôle, même si l’on peut ne pas être d’accord avec ce qu’il dit.

C’est une organisation très contraignante. Dans ma semaine type, j’arrive à Paris le mardi matin à 6h à Roissy pour être aux commissions à 9h. Je siège à l’Assemblée mardi et mercredi et je pars le jeudi matin ou le mercredi dans la nuit et je reviens le mardi matin suivant. Une semaine sur cinq, je suis totalement à l’étranger.

C’est d’ailleurs principalement pour cela que je n’ai pas re-signé pour le poste de délégué national aux Français de l’étranger au sein des Républicains. Je n’ai plus le temps de recevoir en plus les Français d’Angola, des Etats-Unis, ou d’Angleterre. D’une part j’avais dit à Nicolas Sarkozy que j’acceptais pour un certain temps, mais le plus important pour moi est que pendant les deux jours et demi où je suis présent à Paris, je dois être à cent pour cent présent sur l’Assemblée pour maintenir mon rang.

Plus de 100 personnes ont répondu à l’invitation de Thierry Mariani à Pattaya, le 3 septembre (Photo courtoisie)

Vous qui visitez de nombreux pays aux fortunes diverses, que ramèneriez-vous en France dans le contexte actuel?

Je ramène deux idées. La première est qu’il faut vraiment que la France se réforme, s’adapte. La deuxième est que la France n’est pas du tout condamnée au déclin.

La France garde des atouts extraordinaires. Comme dit le proverbe, "quand on se regarde on s’inquiète et quand on se compare on se rassure". Nous avons des fondamentaux solides qui nous permettent largement de continuer à figurer parmi les meilleurs dans la compétition mondiale.

Par contre, il faut qu’on se donne des coups de pieds aux fesses, parce qu’il faut se réformer dans plein de domaines.

Il faut que les Français arrêtent de croire qu’ils sont le nombril du monde - aujourd’hui, il y a beaucoup de nombrils dans le monde - et aussi qu’ils bannissent de leur vocabulaire l’expression : "avantage acquis".

On reste une grande puissance, mais il faut se battre tous les jours pour garder notre rang, se remettre en cause en permanence. Il faut que les Français comprennent que se remettre en cause par moment, cela peut signifier effectivement des reculs, mais c’est reculer pour mieux sauter. Si on refuse de s’adapter, si on reste sur un discours "on est les plus grands de la planète et le programme du Conseil nationale de la résistance en 1945 c’est nos tables de la loi", et bien on est condamné au déclin.

D’ailleurs, ce que j’attends de ma formation politique, puisque l’on est à la veille d’une grande échéance, c’est d’avoir le courage de faire certaines réformes, parce que je pense qu’autrement on continuera lentement mais sûrement à décliner.

Qu’est-ce que cette expérience de député des Français de l’étranger vous a-t-elle apporté ?

A titre personnel cela a été un peu une découverte. J’ai été député des Francais de métropole pendant 20 ans -député du Vaucluse- mais je connaissais bien le problème des Français expatriés, puisque je m’occupais de cette question depuis 2000 au RPR, puis à l’UMP. Sauf que du point de vue de l’organisation, ce n’est pas la même chose.

Les distances notamment : quand j’allais à Orange, cela me prenait 3 heures en TGV, mais pour aller à Melbourne, c’est un peu plus long…

Sur le plan politique, cela m’a apporté une approche différente : il faut aujourd’hui que l’on soit concurrentiel… dans le monde. Il ne s’agit pas d’être concurrentiel seulement par rapport à l’Allemagne, mais aussi par rapport à la Chine, la Thaïlande, etc.

Après, je trouve passionnant de découvrir les parcours des Français de l’étranger. Il y a tellement de parcours différents, des histoires humainement touchantes, comme en France certes, mais pour quitter son pays il y a tout de même un pas à faire qui demande un certain courage et une bonne dose de détermination. Même si c’est pour aller passer sa retraite.

Et  ce qui est particulièrement touchant, c’est qu’au fil des rencontres on ressent toujours ce fort attachement à la France.

C’est quelque chose que l’on ne perçoit pas  forcément depuis la France : on dit que les Français de l’étranger ont "quitté la France". Et bien ils n’ont jamais vraiment quitté la France. Des gens qui font du "French bashing", on en trouve, mais ce sont des exceptions. Les Français restent quoiqu’on en dise, même à l’étranger, patriotes et attachés à leur pays.

Avez-vous quelque chose à ajouter ?

Je voudrais ajouter que les Français ont jusqu’au 31 décembre pour s’inscrire sur les listes électorales pour ceux qui souhaitent voter au Primaires. Et ceux qui voudront voter à droite pour choisir le candidat aux Primaire pourront le faire par Internet mais à condition d’être inscrit sur les listes électorales. Donc si vous avez envie que les choses changent, et que vous souhaitez vous exprimer en novembre 2016, il faut vous inscrire avant le 31 décembre. Je dirais qu’il est important de s’inscrire quoi qu’il en soit, ne serait-ce que pour montrer la réalité de la communauté française dans le pays parce que c’est comme cela que l’on obtient un service public de qualité car les effectifs correspondent au nombre d’administrés.

Propos recueillis par Pierre QUEFFELEC (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) jeudi 29 octobre 2015
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Publié le 28 octobre 2015, mis à jour le 8 février 2018

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