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Enfants boxeurs: la polémique entre raison médicale et réalité sociale

Deux enfants thaïlandais boxent sur le ring Deux enfants thaïlandais boxent sur le ring
Nicolas ASFOURI / AFP
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec AFP
Publié le 16 novembre 2018, mis à jour le 9 avril 2021

La Thaïlande compte des milliers d’enfants boxeurs qui rêvent de gloire et de fortune et participent, licenciés ou non, à des combats de muay thaï. Mais le récent décès d'un adolescent relance la polémique.

Plus de 10.000 enfants boxeurs de moins de quinze ans sont enregistrés dans le royaume, d'après l'Autorité des sports de Thaïlande. Un chiffre auquel s'ajoutent de nombreux mineurs qui combattent sans licence.

Le muay thaï, art martial séculaire dans le royaume connu comme l’art des huit membres, autorise coups de poings, de pieds, de coudes et de genoux. 

La pratique de ce sport violent est jugée dangereuse chez les enfants par les professionnels de santé, qui mettent notamment en avant des risques de lésions cérébrales.

Adisak Plitponkarnpim, directeur du Centre de recherche sur la promotion de la sécurité des enfants et la prévention des blessures (CSIP), a mené une étude pendant cinq ans sur 335 jeunes boxeurs et 252 enfants qui ne pratiquaient pas ce sport.

"Lésions cérébrales"

Les IRM ont révélé que les premiers "souffrent davantage de lésions cérébrales causées par la disparition de cellules ou des troubles neurotiques", relève le responsable, interrogé par l'AFP. Il a également constaté "des quotients intellectuels diminués".

Leur jeune âge "accentue encore les risques de lésions car leur crâne et leurs muscles ne sont pas encore entièrement formés", souligne-t-il, mettant en avant des risques plus élevés d'être atteint de la maladie de Parkinson ou d'un Alzheimer à l'âge adulte.

Le problème vient du manque de protection lors des combats, où les enfants ne portent souvent pas de casque, comme dans le cas d'Anucha Tasako qui est mort le 10 novembre à l’âge de 13 ans d'une hémorragie cérébrale après avoir reçu plusieurs coups à la tête lors d'un combat près de Bangkok.

Le vice-Premier ministre Prawit Wongsuwan a chargé le ministère des Sports de revoir la législation, qui requiert également le consentement des parents pour les 12-15 ans et des "mesures de sécurité physique".

Les combattants doivent être dotés d'"un équipement de protection approprié fourni par le responsable de la salle", a relevé le numéro deux de la junte thaïlandaise, d'après un porte-parole du ministère.

Mais, en cas de manquement, aucune sanction n'est prévue à ce jour. 

Les autorités tentent néanmoins de légiférer. Un projet de loi à l'étude vise à interdire les combats aux enfants de moins de 12 ans.

Une chance de sortir de la pauvreté

Mais des personnalités de la boxe thaïe s'opposent à cette interdiction qui pourrait affecter financièrement les familles des jeunes boxeurs, souvent pauvres. Certains pensent également que la discussion autour du muay thaï stigmatise injustement un sport plus facile d'accès pour les jeunes pauvres du royaume que des sports plus coûteux tels que le golf ou le tennis.

Pour beaucoup, le muay thaï est un moyen de sortir de la pauvreté. "Cela donne aux enfants une raison d'être, leur enseigne la discipline" et "les protège dans des endroits où la toxicomanie et la violence des gangs sont monnaie courante", confirme un propriétaire de gymnase, sous couvert d'anonymat.

D'autres insistent sur le fait que pour aspirer à devenir champion, il faut commencer très jeune.

Wanheng Menayothin, le champion poids paille WBC qui a surpassé le record de victoires successives sans défaite de Floyd Mayweather cette année, était venu à Bangkok à l'âge de 12 ans pour s'entraîner.

Tawee Umpornmaha, médaille d'argent aux JO de Los Angeles de 1984, effectuait son premier combat au même age.

Au total "99% des boxeurs thaïlandais les plus célèbres, qui ont remporté des médailles aux Jeux olympiques, ont commencé à se battre quand ils étaient jeunes", souligne l'ex-sportif, aujourd'hui âgé de 59 ans.

"Si les lois interdisent totalement la boxe aux enfants, la Thaïlande n'aura plus de maîtres. Ce sera la fin", a insisté, lors des funérailles d'Anucha, son entraîneur, Somsak Deerujijaroen, qui dirige un gymnase et entraîne également son propre fils. Selon lui, travailler à une meilleure protection des jeunes sur le ring serait beaucoup plus pertinent.
Néanmoins, Somsak éprouve aujourd’hui des sentiments partagés après la disparition de son élève et se sent coupable.

"Je ne veux plus faire de la boxe", dit-il, se tenant près du cercueil d'Anucha, où le short de boxe noir et rouge préféré du jeune boxeur était accroché à une chaise. "L'un de mes propres enfants, âgé de huit ans, s’entraine également. Mais après cela, je ne veux plus qu'il le fasse."

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