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INTERVIEW – Jean Guion, président de l’Alliance francophone

Écrit par Lepetitjournal Bangkok
Publié le 25 janvier 2012, mis à jour le 5 janvier 2018

Jean Guion est le président de l'Alliance Francophone qu'il a cofondée avec Pierre Messmer, Maurice Druon et Stéphane Hessel. Présent la semaine passée à Bangkok pour donner une conférence à l'occasion du 35e anniversaire de la disparition d'André Malraux, il parle des motivations et des projets de son association et évoque la francophonie en Thaïlande et dans le monde

Jean Guion, entouré sur la photo du professeur Sodchuen, de l'Attachée de coopération pour le français à l'Ambassade de France Anne-Emmanuelle Grossi, et d'élèves thaïlandais étudiant le français (photo Yann Fernandez)

LePetitJournal.com Bangkok : Jean Guion, vous êtes président de l'Alliance francophone, pouvez-vous nous présenter votre association ?
Jean Guion : L'Alliance Francophone a été cofondée en 1992 par Pierre Messmer, ancien Premier ministre, Maurice Druon, Stéphane Hessel - que tout le monde connaît aujourd'hui pour son livre Indignez-vous mais qui est aussi l'un des co-rédacteurs de la Déclaration universelle des droits de l'homme - et moi-même. L'idée de départ était de défendre la francophonie, non pas sur des questions de syntaxe, d'autres savent mieux le faire que nous, mais plutôt en défendant ses valeurs auxquelles nous croyons : la fraternité, la culture, l'humanisme et la favorisation des échanges entre les francophones. Présents dans 108 pays à travers le monde, nous sommes une association indépendante qui ne réclame pas de subventions et nous comptons plus de 5.400 membres, dont plus de 2.000 en dehors de l'espace francophone. Notre indépendance financière nous permet d'être des francs-tireurs respectés et écoutés par les institutions. Notre expression, qui n'est pas politiquement correcte, les dérange parfois, ce qui ne nous empêche pas de travailler avec les Etats, l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), et les organismes de francophonie.
Nous nous occupons de 45.000 enfants orphelins de pays francophones, pour la plupart africains, que nous prenons en charge jusqu'à leurs 20 ans. L'Alliance francophone participe aussi à la mise en place d'actions culturelles pour aider au rayonnement de la francophonie comme le Festival du film français d'Angoulême, créé par Dominique Besnehard, Le Festival international de télévision de Banff au Canada, les Universités Africaines de la Communication de Ouagadougou (UACO) ou encore le Concours International de poésie francophone.

Pourquoi était-ce important de parler d'André Malraux en Thaïlande ?
Je suis venu tout d'abord pour répondre à l'invitation du professeur Sodchuen Chaiprasathna (ndlr : membre du Conseil d'administration de l'Alliance française qui a écrit sur Malraux) qui savait que j'effectuais un déplacement en Thaïlande. André Malraux, que j'ai eu l'immense honneur et privilège de connaître et de rencontrer, a puisé sa plus belle ?uvre, La Condition humaine, en Asie. C'est là aussi qu'il a été accusé d'avoir volé des trésors khmers. Si Malraux n'est pas l'inventeur du concept de la francophonie, il est l'un de ceux qui en ont dessiné les contours. Il a voulu développer le français non pas de manière commerciale, mais de façon culturelle et en montrant que la langue française était porteuse de valeurs et qu'elle pouvait servir pour faciliter les échanges entre les personnes.

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Quel état des lieux pouvez-vous faire de la francophonie en Thaïlande et dans le monde ?
La famille royale, qui pratique le français, continue d'avoir une influence déterminante et positive pour la francophonie ici. L'étude de la langue française est aussi, pour certains étudiants thaïlandais, l'occasion de faire preuve d'originalité, de se distinguer. Le français est la première langue choisie dans le monde, puisque l'anglais est le plus souvent imposé. La francophonie commence avec la francophilie : l'envie de découvrir l'art venu de France ou la cuisine française par exemple. Langue commune à 54 pays, le français est aussi une langue à part. Ayant participé aux Accords d'Oslo, je sais que Yasser Arafat voulait que les textes soient rédigés en français car c'est une langue avec une telle concision grammaticale qu'un accord en langue française ne peut pas être interprété différemment par deux parties. Finalement, les accords ont été écrits en anglais, et le conflit israélo-palestinien se poursuit aujourd'hui notamment à cause de la grammaire anglaise qui a conduit à l'incapacité de dire s'il était question de la "Libération de territoires" ou de la "Libération des territoires".

Quels sont les projets futurs de l'Alliance francophone pour le développement de la francophonie ?
Nous voulons tout d'abord conserver et développer ce qui existe déjà. Nous voulons par exemple étendre dans de nombreux pays les prix francophones que nous organisons, ainsi que nos projets humanitaires. L'autre sujet qui nous tient à c?ur est la création d'un visa francophone que nous réclamons depuis 20 ans auprès des institutions et qui se heurtent aux refus des Etats qui craignent l'immigration, et qui n'a malheureusement pas le soutien de l'OIF. Nous pensons qu'il n'est possible de promouvoir une langue qu'en favorisant les échanges entre les personnes. Il faut donc supprimer certains systèmes de visas, qui sont d'ailleurs parfois une atteinte à la dignité. Les francophones doivent ressentir le fait qu'il existe une communauté à laquelle ils appartiennent tous. Si l'on arrive pas à cela, nous allons nous faire manger par d'autres cultures qui nous amèneront fatalement à ce que j'appelle "le plus petit dénominateur commun", à savoir un nivellement vers le bas. Le risque n'est pas de se faire envahir par l'anglais, qui est en soit une belle langue, mais par un anglais mauvais, parlé de façon approximative, qui ne permettrait pas d'échanger dans des termes dignes de ce nom. Nous allons aussi être bientôt présents en Thaïlande où nous sommes en train de nous implanter. Nous avons des bons contacts avec le royaume depuis 2008, année où nous avions fortement appuyé la demande du pays pour devenir membre observateur de l'OIF.
Propos recueillis par Yann FERNANDEZ (http://www.lepetitjournal.com/bangkok.html) mercredi 25 janvier 2012

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