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Bangkok Community Help : “A Bangkok, la situation est hors de contrôle”

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Bangkok Community Help - Équipée de deux ambulances, la fondation Bangkok Community Help apporte des bonbonnes d’oxygène à une quinzaine de personnes par jour
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 6 août 2021, mis à jour le 14 septembre 2022

Alors que le nombre de cas positifs au coronavirus ne cesse de grimper, la situation des plus démunis se détériore autant au niveau alimentaire que sanitaire, faute de lits dans les hôpitaux.

Lors de la première épidémie du coronavirus en 2020, l’action de la fondation Bangkok Community Help se concentrait uniquement sur l’aide alimentaire auprès des communautés les plus défavorisées de la capitale thaïlandaise, en particulier dans les bidonvilles du district de Klong Toey.

Un an plus tard, la distribution de nourriture continue et vise également à soutenir les travailleurs dans les camps d’habitation sur les chantiers qui ont été fermés après la découverte de foyers d’infection au coronavirus. Au total, ce sont près de 3.000 repas et 100 à 500 sacs de nourriture qui sont livrés chaque jour par cette fondation née en avril 2020. Depuis le début de l'épidémie, Bangkok Community Help estime avoir aidé plus de 500.000 personnes.

Cette aide indispensable pour de nombreuses familles n’est malheureusement pas suffisante. Bangkok Community Help a donc élargi son champ d’action en fournissant de l’oxygène aux personnes malades du Covid-19 et en mettant en place des centres d’accueil pour les personnes testées positives au coronavirus.

Besoin d'oxygène et de lits

La situation est de pire en pire”, lance d’emblée Greg Lange cofondateur de Bangkok Community Help et propriétaire des restaurants Sunrise Tacos. “Au début du mois d’avril 2021, nous nous concentrions principalement sur Klong Toey et les camps de travailleurs. Mais comme la situation ne fait qu’empirer, nous intervenons désormais un peu partout en ville. Et tout particulièrement pour fournir de l’oxygène, il n’y a plus assez de lits et les personnes ne sont plus prises en charge”, ajoute l’Américain de 63 ans.

Les fondateurs du Bangkok Community Help inaugurant un centre d'isolation de malades Covid
Les fondateurs du Bangkok Community Help lors de l’ouverture d’un centre d'isolation Covid-19. Photo courtoisie Bangkok Community Help

Ce jeudi 5 août, le centre de gestion de la situation du Covid-19 (CCSA) a signalé 20.920 nouveaux cas et 160 décès, portant son nombre total de morts à 5.569 depuis le début de cette troisième épidémie survenue en avril. 213.910 personnes sont actuellement hospitalisées dans l’ensemble du pays.

Jusqu’au mois dernier, la Thaïlande avait comme approche la prise en charge systématique de toutes les personnes, malades et non malades, infectées par le coronavirus. Mais devant l’augmentation du nombre de cas positifs et la saturation inhérente des établissements de prise en charge, les autorités ont opté pour l'isolement à domicile avec suivi médical à distance.

Lire aussi : Hôpitaux saturés : La Thaïlande renforce l'isolement à domicile

Isolation impossible dans les bidonvilles

Pour les deux fondateurs de Bangkok Community Help, Greg Lange et le Néerlandais Friso Poldervaart, l’isolation à domicile n’est malheureusement pas possible pour tout le monde. Dans les bidonvilles, la plupart des familles vivent à 4 ou 5 personnes dans une seule pièce de 15 mètres carrés, un cadre idéal pour favoriser la transmission du virus. 

Il y a trois semaines, nous avons commencé à ouvrir des centres d’isolation pour pouvoir éloigner les personnes infectées afin qu’elles ne transmettent pas le virus aux autres membres de la famille. Il y a 140.000 personnes qui vivent à Klong Toey. Si nous n’isolons pas les cas positifs et les malades, c’est une bombe prête à exploser!”, commente Greg Lange. 

distribution de nourriture à bangkok
Un sac de nourriture permet de nourrir une famille de 4 personnes pendant 5 jours. Photo courtoisie Bangkok Community Help

Pour le moment, Bangkok Community Help a ouvert un hôpital de campagne d’une capacité de 85 lits sur Sukhumvit 49 et un autre centre communautaire d’isolation d’une capacité de 20 lits dans un local de la mosquée Hidayatul Islam Sam-In sur Sukhumvit 71. Une centaine de lits supplémentaires devraient être disponibles dans les prochains jours. 

De bon élève du Covid au dernier de la classe

Si la mise en place d’hôpitaux de campagne ou de centre d’isolation peut paraître simple, la fondation explique que ce n’est pas toujours le cas. 
Il nous faut d’abord obtenir les autorisations de la part des autorités, Ensuite, nous faisons face à des réticences de la part des voisins. Certains ne veulent pas avoir un hôpital de campagne à côté de chez eux parce qu’ils ont peur d’attraper le Covid-19, ce qui est compréhensible. Néanmoins on sent que tout doucement la perception change avec l’évolution de l’épidémie, il devient essentiel de pouvoir isoler et offrir un refuge aux personnes positives”, détaille Greg Lange. 

camp de travailleurs à Bangkok
Des repas et colis de nourritures sont livrés dans les camps de travailleurs. Isolés du monde extérieur et parfois délaissés par leurs employeurs, de nombreuses personnes se retrouvent sans ressources. Photo courtoisie Bangkok Community Help

En prenant l’initiative d’agir là où le gouvernement devrait pouvoir assurer une prise en charge, la fondation pointe un excès de confiance des autorités suite au succès de la gestion de la première vague. Alors qu’en 2020 la Thaïlande se classait deuxième parmi les pays ayant le mieux géré l’épidémie du Covid selon le Nikkei Asia Covid-19 recovery index, le royaume a dégringolé en juillet 2021 à la 119e place sur 121 pays!

“Certains hôpitaux refusent de tester”

Face à l'impossibilité pour les personnes infectées de se voir attribuer un lit dans un hôpital, une assistance médicale, allant jusqu’à fournir de l’oxygène aux patients, devient indispensable. Équipée de deux ambulances, la fondation confie apporter des bonbonnes d’oxygène à une quinzaine de personnes par jour. “Et le nombre de demandes ne cesse d’augmenter”, ajoute Friso Poldervaart, un entrepreneur de 29 ans installé en Thaïlande depuis 10 ans. 

Mardi, trois personnes à qui nous avions donné de l’oxygène sont mortes. L’année dernière, ces personnes auraient pu bénéficier de soins, aujourd’hui, ils ne peuvent plus espérer avoir un lit. Les hôpitaux n’ont pas assez de lits, ils refusent de tester parce que si vous êtes positifs, ils ont l’obligation de vous prendre en charge. Certains hôpitaux refusent même les personnes de plus de 50 ans ou qui présentent des symptômes sérieux, car cela n’est pas assez rentable pour eux”, se désespère Greg Lange. 

La crise n’affecte pas seulement les précaires

Pour les deux co-fondateurs de Bangkok Community Help, le refus d’effectuer des dépistages par crainte d’avoir à prendre en charge les patients n’aide bien évidemment pas à se rapprocher du nombre réel d’infections dans la capitale.

apport d'oxygène pour les malades du covid-19 à Bangkok
A défaut de pouvoir être hospitalisé, des malades reçoivent une aide en oxygène à la maison. Photo courtoisie Bangkok Community Help

J’ai l’impression qu’en province la situation est meilleure parce que les gens ne sont pas aussi entassés et qu’ils ont accès à des lits dans les hôpitaux. En province, la faim est plus problématique que le coronavirus. À Bangkok, nous nous battons sur tous les fronts : nourrir les gens, trouver des lits, fournir de l’oxygène”, précise Greg Lange qui vit depuis 20 ans en Thaïlande. 

Malgré l’absence de chiffres sur le nombre de personnes actuellement sans emploi, Friso Poldervaart estime que dans sa dimension économique, la crise affecte de plus en plus de gens dans les classes moyennes. 

Il est difficile d’estimer combien de personnes ont besoin d’aide. Au début de l’épidémie, les plus touchés étaient essentiellement ceux en bas de l’échelle sociale. Maintenant, on peut voir que cela affecte tout le monde même ceux qui avaient pu se maintenir, qui avaient des économies, ils sont désormais à sec et la situation ne fait qu’empirer”, conclut Friso. 

Une solidarité à toute épreuve

La situation est dramatique et les deux hommes s’attendent à passer encore quelques mois difficiles, mais ils tiennent à souligner le travail des bénévoles et l’important soutien dont ils ont bénéficié de la part de la population étrangère et thaïlandaise à travers les dons faits à la fondation. 

bénévoles Bangkok Community Help
Bangkok Community Help compte 300 bénévoles de toutes nationalités. Photo courtoisie Bangkok Community Help

À l’heure actuelle, 300 bénévoles, majoritairement des expatriés mais également des Thaïlandais, participent en cuisinant, en préparant les sacs de nourritures, en assurant la livraison des repas ou en apportant de l’oxygène. 

Pour assurer la continuité des opérations, la fondation a besoin de plus de bénévoles et surtout de dons. Un sac comprenant 5 kilos de riz, 6 sachets de soupe de nouilles, de l’huile, de la sauce de poisson, du poisson en conserve, du savon, du gel pour les mains et des masques revient à 230 bahts et permet de nourrir une famille de 4 personnes pendant 5 jours. 

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