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Athènes et la Grande Idée: documentaire et exposition jusqu'au 22 avril

Athènes et la Grande IdeeAthènes et la Grande Idee
Musée Benaki
Écrit par Lepetitjournal Athènes
Publié le 6 avril 2023, mis à jour le 6 avril 2023

Maria Iliou, une réalisatrice cosmopolite dédiée à l’histoire de la Grèce nous offre un documentaire et une exposition à ne pas rater

 

A travers des archives visuelles, photographies et films provenant de trois continents, Maria Iliou et ses collaborateurs dévoilent une fois de plus une histoire fascinante, dans un film documentaire accompagné d’une exposition photographique (basé sur le matériel du documentaire) au Musée Benaki à Athènes.

Après « Athènes d’Est en Ouest, 1821-1896 » présenté en 2020 et accompagné d’un livre  photo (Athens, From East to West 1821-1896 - Minoas Publications et d’un livre " Friendship in Smyrna" primé comme le meilleur roman du pays, la réalisatrice, scénariste et conservatrice Maria Iliou, avec l’historien Alexandros Kitroev son associé permanent, proposent ce nouveau récit de l’intérieur sur les cinq guerres ayant ravagé la capitale pendant vingt-cinq ans. Inédit, il se base sur des archives « fermées », « oubliées », « découvertes par hasard », grâce au réseau international qu’elle a développé en étudiant en Italie, puis en habitant aux États-Unis et en France, tout en ayant de la famille en Asie mineure et en Grèce. De précieuses photographies de 1906 sont par exemple découvertes à la Bibliothèque nationale de Stockholm, dont l’accès fut autorisé par l’ambassadeur grec Dimitris Douloupas, en échange de l’autorisation de diffusion de son film Alexandria, sorti en 2001.  En menant différents travaux, elle trouve de la même manière de nombreuses archives inconnues en Amérique ainsi qu’en Australie, après avoir notamment travaillé avec le Professeur Vrassidas Karalis de l’université de Sydney. En France, avec le soutien de l’institut français de Grèce elle a accès aux archives de Gaumont-Pathé des années 1912 à 1916, de la Médiathèque de Paris ainsi qu'à l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense couvrant la première Guerre Mondiale.

Un projet construit à partir d'un sentiment de nostalgie

Nostalgique de ce pays où elle eut une enfance heureuse, elle réalise qu’aucun film ne relate l’histoire de la Grèce durant cette période, et plonge dans le passé pour nous la raconter. Elle reçut une aide précieuse de l’ancien directeur du Musée Benaki, feu Angelos Delivorrias, devenu un cher ami qui a cru en son projet et pour qui elle ressent une profonde reconnaissance.

Bien que née en Grèce, Maria Iliou a grandi dans un environnement cosmopolite, et ses nombreuses expériences à l’étranger lui offrent un regard neutre sur l’histoire de son pays, qui ressort dans son film où elle parvient au-delà de l’obscurité et de la mort à « tisser le fil de la joie de vivre, de l’explosion culturelle, du théâtre musical et de l’opérette » comme elle l’avait souhaité. Maria Iliou a réalisé un film agréable et instructif qui suscite une grande émotion », montrant également le violent conflit du schisme national de 1915 à 1917, et tout particulièrement la Grande Idée qui a porté la Grèce dès la fin du XIXe siècle.

La Grande Idée : réunir tous les Grecs dans un seul État-nation       

C’était l’un des programmes les plus ambitieux d’intégration nationale : il envisageait la libération et l’intégration de tous les territoires grecs historiques, de Chypre à la Macédoine, en passant par la Crète et l’Asie mineure. Si le courant naquit pendant la révolution nationale de 1821, à l’issue de laquelle l’Empire Ottoman reconnu l’indépendance de la Grèce, le terme fut inventé en 1844 par le premier ministre du roi Othon 1er, Ioánnis Koléttis.

Cette Grande Idée guida la politique et la diplomatie du pays au XIXe siècle, avec la volonté de purifier la Grèce de toutes influences étrangères, de la ré-helléniser. Cette tendance apparut dans les années 1830, avec le rejet de la Grèce façonnée par l’Église orthodoxe soumise à l’Empire Ottoman.

Si plusieurs extensions territoriales eurent lieu au cours du XIXe siècle, l’humiliation de la guerre des Trente jours en Crète en 1897 apprit aux Grecs que l’Empire Ottoman constituait un rempart à la Grande Idée. Crète, Crimée, Bulgarie, Macédoine, les aspirations irrédentistes des Grecs se poursuivent avec les deux guerres balkaniques de 1911 à 1913, remportées par le Grèce alors gouvernée par Elefthérios Venizélos. Élu Premier ministre en 1910, il mène une politique de modernisation du royaume lui donnant l’image du « fondateur de la Grèce moderne », en conservant la Grande Idée comme ligne directrice majeure.

A l’aube de la Première Guerre mondiale, une profonde crise politique cisaille le pays, dont les dirigeants ne s’accordent pas sur quel camp serait le plus à même de favoriser la Grande Idée. Le Premier ministre Venizélos, entendait rester l'allié de la Serbie, comme durant les guerres balkaniques, en vue de démembrer définitivement la Bulgarie, alliée des Empires centraux. Il souhaitait donc se rapprocher de la Triple-Entente. De l’autre côté, le roi Constantin, commandant des troupes penchait plutôt vers l'alliance avec l'Allemagne et donc la Bulgarie, afin de se retourner contre l'ancien allié serbe et s'emparer de ses territoires. Les vaines conciliations menèrent au schisme national : Venizélos démis de ses fonctions s’exile en Crète, puis crée un nouveau gouvernement transitoire en 1916 à Thessalonique, soutenu par l’Entente qui exige l’abdication du roi Constantin. La Grèce entre en guerre contre la Bulgarie aux côtés de l’Entente, dont la victoire leur offre quasiment les frontières de la Megali Idea tant rêvée grâce au traité de Sèvres de 1920. Mais le grand schisme continue de diviser les monarchistes pacifiques et les libéraux, souhaitant poursuivre leur extension en Asie mineure.

L’importante diaspora grecque voit alors la « Grande Catastrophe » arriver en 1922 : les populations chrétiennes d’Asie mineure sont massacrées et expulsées, dont le territoire est perdu lors du procès des Six, tirant son nom des six hauts dirigeants condamnés à mort pour avoir entraîné la défaite de la Grèce. Les populations grecques sont alors rapatriées avec le traité de Lausanne l’année suivante ; la Grande Idée avait coûté très chère notamment avec l’accueil de ces réfugiés, et son échec partiel l'effaça du premier plan de la vie politique pour un temps. Elle revint avec la partition de Chypre entre Grecs et Turcs, dont les relations s’envenimèrent avec la découverte de pétrole à Thasos lors de la crise de 1973. Dans une Europe stabilisée, la Grande Idée semble bel et bien avoir disparu.

Un documentaire et une exposition à ne pas manquer

Jusqu’au 23 avril, profitez ainsi de l’exposition au Musée Benaki pour découvrir en images ce courant de pensée qui a guidé la politique de la Grèce à partir de la fin du XIXe siècle. Les archives récoltées aux quatre coins du globe seront par la suite rendues au patrimoine du pays et accessibles gratuitement. Vous l’aurez compris, après « Athènes d’Est en Ouest, 1821-1896 », « Athènes et la Grande Idée 1896-1922 » est le deuxième chapitre du vaste projet de recherche menée par Maria Iliou sur l’histoire de son pays, adoptant des points de vue inhabituels sur un sujet dont on ne parle pas. Le livre photo dédié sortira dans quelques mois, puis les trois autres thèmes suivront chaque année : « Athens in conflict », « Athens spreading out », et « Athens a European capital ».

 

"Un film sur Athènes est un film sur la Grèce » explique la réalisatrice"

lepetitjournal.com Athènes
Publié le 6 avril 2023, mis à jour le 6 avril 2023

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