Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

INTERVIEW – Henri Pompidor, ancien directeur du Département de musique de chant choral de l’Université Mahidol

HP-250-portraitHP-250-portrait
Écrit par Lepetitjournal Alger
Publié le 28 août 2013, mis à jour le 8 février 2018

Directeur du département de Musique de Chant Choral de l’Université de Mahidol, Henri Pompidor a quitté la Thaïlande au début de ce mois-ci pour rentrer en France après dix années passées dans le royaume. Il a bien voulu répondre aux questions du PetitJournal.com pour faire un point sur son expérience en Thaïlande et sur l’état de la musique classique ici

Henri Pompidor (Photo DR)

Diplômé (Doctorat) du conservatoire de Toulouse et de l’institut de musique de l’université de la Sorbonne, Henri Pompidor a contribué au développement de la musique classique occidentale en Thaïlande pendant une dizaine d’année. Arrivé à Bangkok en 2003, il a été Chef de Chœur et professeur de chant au Conservatoire de musique de Rangsit avant de prendre la direction des chœurs de la Faculté de musique de l’Université de Mahidol et enfin le poste de directeur du département de Musique de Chant Choral. Il a également dirigé le choeur du Thailand Philarmonic Orchestra (TPOC).

Vous quittez la Thaïlande après 10 ans, quel bilan faites-vous de ces années de travail ici ?
Un bilan très positif ! J’ai eu grand plaisir à enseigner la musique dite "classique" dans le Royaume pendant toutes ces années. Dès mon arrivée, je me suis aperçu qu’il y avait des opportunités pour engager des actions en particulier dans le domaine déjà naissant de la formation des jeunes musiciens. Avec énergie j’ai apporté ma pierre à l’édifice en m’adaptant aux spécificités culturelles du pays. Dix ans plus tard, je quitte la Thaïlande très heureux des projets que j’y ai menés: plus d’une quinzaine de concerts par an souvent exécutés par de très jeunes musiciens et chanteurs ; formation d'une génération de musiciens et de chefs de chœur qui forment un vivier pour la vie musicale du pays. Je pense avoir également participé au développement du répertoire baroque en Thaïlande à travers l’exécution de nombreuses pièces vocales et instrumentales des 17ème et 18ème siècles de Marc Antoine Charpentier, Jean Baptiste Lully, Jean Philippe Rameau, Johann Sebastian Bach, Antonio Vivaldi… La présentation en juillet 2012 d’une des plus belles pages chorales de Jean Gilles, compositeur toulousain, ville où j’ai appris la musique, fut par exemple pour moi un moment fort.

Henri Pompidor et le baryton thaïlandais Saran Suebsantiwongse lors des répétitions de "La musique des quatre éléments" en juillet dernier (Photo Benoit Ricoine http://photosgeniques.com)

Vous avez donné un remarquable concert au Sofitel So en juillet dernier, quelles impressions vous a laissé ce concert ?
Ce concert "La musique des quatre éléments" a été le point d’orgue de mon séjour thaïlandais. Ce fut à la fois un bilan musical après dix années passées dans le royaume à travailler au service du développement de la musique, mais également un moment d’intense amitié avec tous mes collègues musiciens et chanteurs, la soprano française Sophie Hervé, le baryton thaïlandais Saran Suebsantiwongse, le pianiste Bakhtiyor Allaberganov, le luthiste Paul Cesarczyk, le flutiste baroque Akos Szilágyi, tous participants au concert pour interpréter des extraits de ballets de Lully et de Rameau, des concertos de Telemann et des cantates de Bach.

Quelle évolution la popularité de la musique classique en général a-t-elle connu auprès des Thaïlandais durant ces années, selon vous ?
Je pense qu’il y a aujourd’hui un réel intérêt pour la musique classique dans le Royaume de Thaïlande, sans doute lié à l’attention soutenue pour la formation musicale des classes moyennes du pays. C’est ainsi que les écoles de musique se sont multipliées ces dernières années, avec un nombre croissant d’étudiants. Ce phénomène est très encourageant même s’il faut encore améliorer la qualité de l’enseignement dans le Royaume par une attention particulière à la formation de base des jeunes musiciens (lecture et chant). L’effort doit aussi porter sur la formation des enseignants et sur celle de l’encadrement universitaire. L’Etat devra sans doute s’engager davantage dans le suivi des programmes et la formation des chefs d’établissement.

Henri Pompidor et son orchestre lors des répétitions de "La musique des quatre éléments" en juillet dernier (Photo Benoit Ricoine http://photosgeniques.com)

Quels sont les points forts et les points faibles de la Thaïlande vis-à-vis de la musique classique ?
La Thaïlande dispose dans le domaine de la musique classique de nombreux atouts, et notamment de l’engouement des jeunes générations pour la pratique musicale qu’elle soit individuelle ou collective. Les projets musicaux ne manquent pas dans le pays ni le soutien financier des nombreux sponsors. Cette situation devrait favoriser dans les années à venir la qualité des concerts de musique chambriste, chorale et orchestrale ainsi que les instituts de formation.
Reste aujourd’hui deux bémols au développement "harmonieux" de la musique classique dans le pays. Un manque d’exigence de la part de certains professeurs responsables de la formation des jeunes apprentis, futurs artistes, alors que dans la sphère musicale la concurrence internationale est très rude. Le second problème est consécutif aux relations difficiles qu’entretiennent entre eux les chefs d’établissements ce qui réduit fortement les opportunités de coopération interuniversitaire. Je le regrette car à mon sens, la coopération musicale entre musiciens, étudiants et professeurs, favorise la qualité de l’enseignement et de l’interprétation musicale. Les universités devraient encourager les artistes à se rencontrer et à échanger leurs expériences musicales et didactiques. Des contrats d’embauche plus respectueux des enseignants seraient aussi bienvenus afin d’assurer l’engagement dans la durée de ceux qui portent la transmission de l’art musical.

Avez-vous toujours des projets ici, si oui lesquels ?
Je souhaite réaliser quelques projets musicaux en 2014. Je conserve de nombreuses attaches dans le royaume. Parmi mes projets on trouve la poursuite de mes activités au sein du chœur et de l’orchestre interuniversitaire de Thaïlande (TICO) mais aussi la création - si je trouve un financement adéquat – d’une structure professionnelle indépendante capable de répondre à l’intérêt grandissant pour la musique classique du pays. La musique baroque, celle des "quatre éléments", pourrait trouver un écho dans une série de concerts liant musique baroque et musique asiatique.

Henri Pompidor avec la soprano française Sophie Hervé lors des répétitions de "La musique des quatre éléments" en juillet dernier (Photo Benoit Ricoine http://photosgeniques.com)
 
Pourquoi quittez-vous la Thaïlande ?
Le choix de quitter la Thaïlande m’a été principalement dicté par les évolutions récentes en matière d’éducation musicale. La faculté de musique dans laquelle j’enseignais a modifié ses orientations dans la formation initiale des étudiants et l’option choisie me parait affaiblir le rôle du chant choral. Ajoutons à cela une très forte augmentation des frais de scolarité qui modifient les relations pédagogiques entre enseignants et étudiants et surtout entre familles et responsables universitaires.
 
Qu’allez-vous faire en France ?
Je suis réintégré au sein de mon corps d’origine dans l’éducation nationale. Je vais prendre la direction musicale de plusieurs ensembles vocaux, notamment dans le cadre des conservatoires de musique de la ville de Paris.
Quelque chose à ajouter ?
Comme Cioran, je pense que la musique est une manière de dire adieu, "une physique dont le point de départ ne serait pas les atomes mais les émotions qu’elle génère". Je quitte donc la Thaïlande encore empli d’émotions musicales et déterminé à en susciter de nouvelles.
Propos recueillis par Pierre QUEFFELEC (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) jeudi 29 août 2013
{loadposition 728-2_bangkok-article}

lepetitjournal.com Alger
Publié le 28 août 2013, mis à jour le 8 février 2018

Flash infos