Pour annoncer le 71ème festival de Cannes, France Culture diffuse un documentaire de Dominique Prusak et Anna Szmuc, réalisé entre Paris et Varsovie et consacré à Krzysztof Kieslowski intitulé « Krzysztof Kieslowski, pour l’amour de l’autre », le samedi 05 mai entre 15h00 et 16h00 dans la série « une vie, une œuvre ». Ce documentaire revient sur les lieux de tournages parisiens de « la double vie de Véronique » et du triptyque « Trois couleurs : Bleu, Blanc, Rouge » avec des invités français et polonais. Il montre combien, pour Krzysztof Kieslowski, le cinéma était, avant tout, une œuvre collective.
1988 – 2018, trente ans tout-juste que les Français découvrent le cinéaste polonais Krzysztof Kieślowski au Festival de Cannes avec le film « Tu ne tueras point » récompensé par le Prix du jury. Un film qui marque les esprits par sa violence autant physique que mentale. Mort 8 ans plus tard à l’âge de 54 ans, Krzysztof Kieślowski reste toujours aujourd’hui un cinéaste majeur du cinéma mondial. Il a réalisé une cinquantaine de films dont une vingtaine de documentaires.
Diplômé de l’incontournable école de Łódź où sont passés avant lui Wajda, Polanski et Zanussi, il entame en 1966 une longue carrière de documentariste avant de passer à la fiction étape par étape dans les années 70. De cette observation du quotidien et des autres à travers ce style de cinéma, il gardera l’empathie pour les gens simples et une éthique chère aux cinéastes polonais chercheurs de vérité dits de « l’inquiétude morale ». Un indispensable souffle de vie dans un Etat ou le dogme pseudo égalitaire règne en maître. Ainsi, en filmant le travail de l’ouvrier d’usine ou de l’employé de la poste, Krzysztof Kieślowski observe les dysfonctionnements du système à coup de visages fatalistes et de bruits inoubliables. La condition humaine cadrée en gros plans. Les dossiers s’empilent désespérément derrière « le guichet » gris comme dans un mauvais rêve et les coups de burin et de marteau de « l’hôpital » s’apparentent plus à la réparation d’une fuite d’eau qu’à un remboîtement de fémur. Ne vous fiez pas aux apparences. Les sauveurs en blouse blanche sont de véritables héros.
Mais une des grandes œuvres du cinéaste polonais reste encore aujourd’hui « Le Décalogue », dix films consacrés aux dix commandements réalisés pour la télévision de l’époque communiste. Un jonglage permanent avec la censure mais aussi un révélateur de l’obsession profonde du cinéaste : comment chacun de nous se comporte-t-il confronté concrètement à l’un des dix préceptes bibliques ? « Nie wiem », je ne sais pas, répond systématiquement Krzysztof Kieślowski. Une sorte de doute permanent magnifié sur grand écran à travers un guidage. Celui de chaque spectateur invité à se questionner sur son propre destin. Qu’il soit croyant ou non. C’est là la force des dix histoires !
Marqué par l’image d’un interrogateur de l’âme dans son pays originel, Krzysztof Kieślowski s’impose en dehors de chez lui, en France, dans la dernière partie de sa vie, avec « La double vie de Véronique » (avec Irène Jacob, prix d’interprétation féminine en 1991 au Festival de Cannes) et le triptyque « Trois couleurs : Bleu, Blanc, Rouge », une façon très personnelle de mettre en scène notre devise républicaine « liberté, égalité, fraternité ». Les tournages des 3 films s’enchaînent sans répit avec des moyens financiers conséquents que le réalisateur polonais goûte pour la première fois dans sa carrière. Ici encore, Krzysztof Kieślowski dévoile toute son humanité sur les plateaux. Animé d’une curiosité fébrile, il déambule en permanence avec une cigarette aux lèvres en semblant déjouer le temps. L’affairé boulimique tourne le jour, monte le soir et écrit la nuit ! Côté relation à l’autre, l’homme se confond avec le réalisateur et se veut attentif aux tracas de chacun. Ce qu’il a toujours été ! Généreux et méticuleux. Tandis que le scénario construit au millimètre s’enrichit d’observations collectives, l’autorité protectrice du réalisateur impose le détail qui tue. Une mécanique du polar dans une sorte de bonheur affectif partagé ! Rare. D’ailleurs, aucune actrice ne peut parler de lui sans trouble sentimental dans la voix. Vous avez dit « Krzysztof ? »
Avec:
Marta Hryniak, sa fille unique.
Irène Jacob, actrice de « La double vie de Véronique » et de « Rouge ».
Krystyna Janda, actrice du Décalogue 2, « Tu ne commettras point de parjure ».
Urszula Lesiak, monteuse de « Blanc ».
Alain Martin, journaliste et écrivain sur Krzysztof Kieslowski et ses tournages.
Jacek Petrycki, chef opérateur de Krzysztof Kieslowski.
Krzysztof Zanussi, cinéaste et directeur de l’Unité de Production, TOR.
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