Un petit bijou d'atelier. Véronique Vitté, quadragénaire active, donne depuis cinq ans des cours de gemmologie dans le quartier de Tiong Bahru, à des petits groupes d'expatriés ou de locaux, en français ou en anglais. Pendant plusieurs séances, elle apprend à distinguer les vraies pierres des fausses à l'aide d'une pléthore d'instruments. Elle organise également des voyages sur ce thème au Sri Lanka et en Inde, qui comprennent, par exemple, des visites de mines.
Comment est née cette passion pour cette discipline peu commune ?
J'ai toujours été une expatriée : Amérique du Sud, du nord, Iran, Irak? Ma mère passait beaucoup de temps dans les souks à négocier des pierres. J'étais attirée par tout ce qui brillait.
Pourquoi ne l'avoir concrétisé que récemment ?
J'ai initialement fait des études en marketing à la Sorbonne. En 2000, nous nous sommes installés à Singapour avec mon mari, à cause de son travail. J'étais une femme d'expat 100% pur jus : j'ai arrêté de travailler et j'ai élevé mes quatre enfants, dont la petite dernière est née ici. Mais j'ai fini par m'ennuyer. C'est alors que nous avons monté une société sur les bijoux indiens anciens avec une amie. Je retrouvais ma passion en évoluant librement dans un marché qui n'existait pas. Grosse crise d'angoisse cependant, en 2008, quand mon mari doit rentrer à Paris: je suis obligée de tout liquider. Plutôt que de déprimer dans la grisaille, j'ai fait ce que j'ai toujours voulu : des études à l'Institut National de Gemmologie.
La reprise des études n'a-t-elle pas été trop dure ?
A 42 ans, j'ai sorti les rames. Le côté scientifique était très poussé : physique, chimie, optique. Des heures de pratique sur des centaines de boîtes de pierres. Je travaillais de 8h à 20h tous les jours. J'avais peur de ne pas y arriver. Plusieurs amis ont d'ailleurs arrêté en cours de route. C'était épuisant mais aussi extrêmement passionnant.
Je peux rester une demi-heure derrière un microscope car chaque pierre est différente. Il y a un côté Sherlock Holmes dans ce métier, comme quand une cliente revient de voyage et me demande de vérifier l'authenticité de son saphir bleu acheté là-bas, qui s'avère après examen être une pierre synthétique.
En quoi consistent les cours que vous dispensez à votre atelier ?
Le but est de reconnaître les inclusions d'une pierre donnée : quelque chose qui lui est unique, comme des bulles, des cristaux? Cela permet de distinguer le vrai du faux. Il y a d'abord des cours théoriques à partir de photos, puis on passe à la pratique à l'aide de multiples instruments : loupe, microscope, réfractomètre, dichroscope séparant les couleurs, polariscope qui permet de voir comment la lumière se comporte, balance hydrostatique qui calcule la densité de la pierre? C'est de cette manière qu'on délivre les certificats d'authenticité.
Mais vos élèves n'auront pas tous ces outils à disposition dans la vraie vie ?
Même si il n'y a de certitude qu'avec les certificats de pierres délivrés par des laboratoires, ils seront quand même armés à 90% pour se protéger des escroqueries. Je leur suggère des pistes à creuser, des questions à poser, pour que le vendeur se méfie et ne soit pas tenté par l'arnaque. D'ailleurs, ce sont souvent des personnes qui veulent partir en voyage et ramener une pierre qui viennent s'inscrire.
Que représentent les bijoux pour vous ?
J'y attache beaucoup d'importance et de symbole. Les bijoux marquent souvent un évènement dans la vie. Je suis très sensible à cet aspect quand je fais des bagues de fiançailles : j'ai l'impression de faire partie du début, de l'intimité d'un couple.
Propos recueillis par Jonathan Blondelet (www.lepetitjournal.com) Jeudi 12 novembre 2015