Symbole du dynamisme économique franco-chilien, la délégation des quelque 30 entreprises françaises organisée à Santiago les 24 et 25 mai derniers a permis de rappeler les principes de coopération qui unissent les deux pays avec, au coeur des discussions, les différentes opportunités de développement et d’investissement qui s’offrent ici aux firmes hexagonales. Un déplacement d’envergure piloté, entre autres, par le Conseil des Entrepreneurs franco-chilien du Medef dont nous avons rencontré le président, Michel Kempinski.
Lepetitjournal.com Santiago - Quels sont les enjeux de cette visite exceptionnelle ?
Michel Kempinski - C’est la plus grande délégation d’entreprises françaises au Chili de ces dernières années. Il y en a une trentaine, des grandes comme des plus petites, venue représenter la plupart des grands secteurs d’activité, que sont l’énergie, l’infrastructure, les transports ou encore l’environnement. Beaucoup d’entre elles sont déjà présentes, mais d’autres sont venues dans l’optique de venir s’installer au Chili, le pays étant pour elles la plateforme de développement au niveau de l’Amérique du Sud. Elles viennent ici prendre des contacts, comprendre le fonctionnement local et finalement “tâter le terrain”. Il y a aujourd’hui 240 entreprises françaises au Chili, ce qui représente un chiffre d’affaires de l’ordre de 5 milliards d’euros et près de 50 000 emplois.
Comment expliquez-vous ce dynamisme ? Qu’est-ce qui fait du Chili un terrain de jeu privilégié pour les entreprises françaises aujourd’hui ?
Tout d’abord, les perspectives de croissance au Chili sont très attractives pour les entreprises françaises, d’autant qu’elles s’avèrent stables sur les prochaines années.
Ensuite, il y a une énergie qui se dégage du programme politique de M. Piñera (le président du Chili ndlr) qui a sans aucun doute un impact important sur l'économie du pays. Nous avons eu également des discussions avec le CPC, qui est l’équivalent chilien du Medef, qui nous ont permis de savoir qu’un certain nombre de réformes va être mis en oeuvre assez rapidement, afin de faciliter la vie des entreprises, et notamment des plus petites. Les normes fiscales vont être ainsi simplifiées et les taux d’imposition baissés.
Enfin, le Chili est une vraie porte d’entrée au niveau de l’Amérique du Sud, à partir de laquelle on peut construire une base solide pour ensuite se développer dans la région. Quand on regarde les turbulences ces dernières années qui ont eu lieu dans d’autres pays comme l’Argentine, le Brésil ou le Venezuela, on voit bien combien la stabilité est essentielle pour les entreprises. Pour faire du business, il est important d’avoir une vision à long terme. Or, le Chili est l’un des seuls pays qui apportent ces conditions : un système démocratique qui fonctionne bien, une lisibilité juridique sur le droit de propriété, le droit du commerce, une stabilité économique, etc. Cela permet de développer son entreprise au sein du pays mais aussi à travers toute la région de l’Amérique Latine. Par exemple, Engie a construit sa base sud-américaine à partir de Santiago.
Toutefois, certaines multinationales françaises, notamment dans le secteur du retail, comme Décathlon ou Sephora, ont eu ou ont toujours du mal à s’implanter au Chili….
Ce sont effectivement des discussions que nous allons avoir ce soir puisque la délégation doit rencontrer les représentants des grandes familles du Chili. C’est un sujet que nous allons aborder, car nous voyons bien qu’il y a une certaine volonté de garder une forme de pré carré et d’éviter de faire rentrer d’autres acteurs.
Vous avez eu également l’occasion de rencontrer jeudi le président chilien. Qu’est-il ressorti de cet échange ?
M. Piñera a d’abord rappelé que le Chili accueillait à bras ouverts tous les investissements et en particulier, les investissements français, qu’il était à l’écoute de tous les problèmes que pouvaient rencontrer les entreprises françaises et qu’il était là pour les aider à les surmonter. “Je veux savoir la vérité, toute la vérité !” nous a t-il dit. C’est une ouverture d’esprit très forte, avec également la volonté de développer les investissements chiliens en France.
Quels sont les secteurs les plus porteurs au Chili en tant qu’investisseur étranger ?
L’énergie, les transports avec notamment l’aéroport de Santiago, l’énergie et le transport de l’énergie, les nouvelles technologies d’énergie marine, les technologies “smart city” avec la problématique de gestion des déchets, ou encore la vinologie. Il y a aussi des sociétés, comme GL Events, spécialisées dans l’organisation de salons, de concerts et d’évènements sportifs, ou des sociétés spécialisées dans l’ingénierie.
Vous êtes vous-même chef d’une entreprise présente au Chili depuis plus de 20 ans, Plastic Omnium, leader dans la conteneurisation des déchets, mais aussi l’un des 9 ambassadeurs à l’économie circulaire nommés par le Ministère de l’Ecologie français. Comment combinez-vous ces différentes missions ?
Aujourd’hui, il y a une vraie sensibilité sur le sujet de l'écologie au niveau mondiale, mais aussi une prise de conscience des élus et des entreprises, ces dernières y voyant un nouveau levier de croissance. Nous avons rencontré beaucoup de maires au Chili qui sont à la recherche d’innovations sur la gestion et la valorisation des déchets. Ils sont à l’écoute de notre expérience en Europe et aimeraient pouvoir la mettre en pratique ici, car ils ont bien conscience qu’il faut baisser les coûts, que l’impact actuel sur l’environnement est épouvantable et qu’il y a des mesures à prendre aussi bien sur la réduction de mise en décharge que sur la production de plastique 100% recyclable. Consommer, c’est bien, mais on arrive à une certaine limite aujourd’hui. Est-ce qu’on ne peut pas plutôt récupérer certaines choses, stopper l’obsolescence programmée des objets, en réparer d’autres pour ensuite les remettre sur le marché ? Alors oui, ça prend du temps, ça prend beaucoup d’énergie, ça passe notamment par l’éducation des nouvelles générations à l’école, mais ce sont des thématiques qu’il faut promouvoir.
Auteur : Alexandra Pizzuto