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INTERVIEW - Parfait Jans : "La francophonie valdôtaine est menacée, mais elle ne disparaîtra pas"

Écrit par Lepetitjournal Milan
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 9 janvier 2018

Valdôtain d'origine, ancien maire de Levallois-Perret, poète, romancier et essayiste, Parfait Jans se consacre àla défense de la langue française dans la Vallée d'Aoste. Selon lui, la francophonie est devenue quasi souterraine, mais elle reste vivante et refuse de mourir

Lepetitjournal.com : Français d'origine valdôtaine, vous avez étémaire de Levallois-Perret pendant dix-huit ans. A quelles activités vous consacrez-vous aujourd'hui ?

Parfait Jans : Après un long parcours dans le professionnalisme et le militantisme politique, j'ai décidéde me consacrer encore plus fort àma Vallée d'Aoste, ma terre d'origine. Je la vois toujours aussi belle, toujours aussi attachante et pourtant, avec ma longue expérience, je lui trouve aussi beaucoup d'insuffisances. Pour ne pas tomber dans la critique négative, j'ai décidéde contribuer aux efforts des Valdôtains de bonne volontéet j'ai choisi trois chantiers importants auxquels je me sens capable d'apporter ma pierre. La francophonie : romans, poèmes, essais, articles; nos ancêtres les Salasses : en publiant assez régulièrement un bulletin le Salasse qui évoque le passéet participe aux combats actuels;le modernisme : en ouvrant un site Internet
http://jans-aoste.org qui reçoit une moyenne de 700 visiteurs par mois.

LPJ : Oùvivez-vous ? Pourquoi ne vivez-vous pas en Vallée d'Aoste ?
PJ :
Je suis néen France et je vis en France pour des raisons familiales. Je passe une semaine tous les deux mois dans la Vallée d'Aoste terre oùont vécu mes deux familles paternelle et maternelle, toutes deux implantées dans la commune de Lillianes dans la vallée du Lys qui descend du Mont Rose.

"Quand je parle français, on me répond en français"

LPJ : Quels sont vos engagements associatifs et politiques ?
PJ :
Je suis de formation chrétienne, j'ai étémembre du Parti communiste français et je conserve de ces deux écoles un fort attachement aux valeurs humaines. A l'heure actuelle, je suis adhérent àl'Association des Levalloisiens d'origine valdôtaine, car dans la commune de Levallois-Perret oùje fus maire durant dix-huit ans et députédurant quatre législatures, les originaires de la Vallée d'Aoste sont fort nombreux et unis. Je suis aussi un adhérent du Comitédes traditions valdôtaines implantéen Vallée d'Aoste et qui édite une revue francophone le Flambeau

LPJ : La Vallée d'Aoste est-elle une région réellement francophone ? Depuis quand ?
PJ : La francophonie de la Vallée d'Aoste a étéreconnue par un décret du Duc Emmanuel Philibert en 1565. La langue française était pratiquée dans toutes les correspondances et actes commerciaux et notariaux. Bien évidemment la langue parlée entre Valdôtains était notre patois franco provençal, mais la langue française était la seule enseignée dans les écoles. Les vieilles lettres en ma possession sont toutes rédigées en français, l'acte de mariage de mes parents, survenu en 1925, est rédigéen français. La Vallée d'Aoste était bien une région francophone, et devrait l'être encore aujourd'hui si la loi italienne était respectée car le statut d'autonomie accordée par l'Assemblée constituante italienne précise en son article 38 qu'en cette région "la langue française est àparitéavec la langue italienne". Dans les écoles valdôtaines la langue française est officiellement enseignée, mais les résultats dépendent souvent des enseignants. Plus personne ne parle le français ouvertement, sauf quelques têtus comme moi. Partout oùje parle le français, partout je reçois une réponse en français, avec en prime l'accent valdôtain.

"En Vallée, nous sommes loin du parisianisme"

Cent cinquante ans de brimades du Royaume d'Italie, puis de la dictature de Mussolini, plus d'un siècle et demi d'interdictions et de pressions médiatiques ont placéla francophonie valdôtaine en état de péril. Certes, la langue française existe toujours, elle est devenue quasi souterraine comme tous les mouvements que l'on essaie de jeter dans la clandestinité, mais elle est toujours vivante et refuse de mourir. Un jour elle resurgira, un jour elle redeviendra la langue du pays. La francophonie valdôtaine est menacée, mais elle ne disparaîtra pas pour la bonne raison que les italophones attachés àla culture italienne rejoindront les francophones afin de barrer la route àla langue anglaise qui unifierait toutes nos cultures.

LPJ : Existe-t-il des spécificités du français valdôtain ? Pourriez-vous donner quelques exemples de mots ou expressions ?
PJ : Un seul exemple : en ce moment le Mouvement autonomiste prépare un congrès extraordinaire et soumet àses sections un texte àdiscuter et àmodifier éventuellement. Une deuxième lecture aura lieu et cette deuxième lecture est appelée "deuxième tournée". Amusant non ? On se croirait àMarseille devant un groupe d'amis dégustant leur apéritif préféré. En Vallée, nous sommes loin du parisianisme.

LPJ : Peut-on vivre dans la Vallée d'Aoste sans parler un seul mot d'italien ? de français ?
PJ : Oui les deux réponses peuvent être possibles avec àcoup sûr un avantage pour la langue italienne, télévision et médias obligent. Mais l'Europe facilitera encore plus les échanges.

LPJ : Existe-t-il des médias francophones ?
PJ : Aucune radio, aucune télévision locale ou italienne francophone, contrairement aux directives européennes. Les Italiens savent mieux que personne au monde tourner les lois en leur faveur. Mais les Valdôtains peuvent capter des radios et télévisions françaises et suisses. Un seul hebdomadaire le Peuple Valdôtain est francophone. Tous les autres journaux, même ceux qui portent un titre en français sont tous écrits en italien. J'ai parlévoici un instant du Flambeau totalement francophone éditépar le Comitédes traditions valdôtaines.
Propos recueillis par Corentine GASQUET - LPJ Milan - lundi 15 mai 2006


Son parcours
Néen 1926 àLevallois-Perret (Hauts-de-Seine), de parents issus du village de Lillianes, dans la vallée de Gressoney, Parfait Jans a étémaire de Levallois-Perret pendant dix-huit ans, députépuis conseiller général des Hauts-de-Seine. Aujourd'hui retraité, il se consacre àla défense de la francophonie dans la Vallée d'Aoste. Il est auteur de nombreux romans, pièces de théâtre et essais.
Bibliographie complète :
http://www.jans-aoste.org/biblio.html

lepetitjournal.com Milan
Publié le 15 mai 2006, mis à jour le 9 janvier 2018

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