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La nouvelle capitale égyptienne, un projet pharaonique

Le Caire fait face à un problème de surpopulation avec pas moins de 20 millions d'habitants dans la capitale égyptienne, en faisant la ville la plus peuplée du continent africain. Pour remédier à cette situation, le maréchal-président Abdel Fattah al-Sissi, a décidé de créer une toute nouvelle capitale à quelques dizaines de kilomètres à l'est du Caire. Alors que le nom de cette nouvelle ville n’est pas encore connu, ses détracteurs lui ont donné le surnom de “Sissi-city”.

Le district du gouvernement dans la nouvelle capitale de l'EgypteLe district du gouvernement dans la nouvelle capitale de l'Egypte
Écrit par Paul Le Quément
Publié le 22 février 2024, mis à jour le 30 mars 2024

 

Le maréchal Abdel Fattah al-Sissi, au pouvoir depuis 2013 et fraîchement réélu en décembre dernier, est à l'origine de ce projet pharaonique dont la construction a démarré en 2016. A seulement une cinquantaine de kilomètres à l’est du Caire, en plein désert, s'élève la Nouvelle capitale administrative de l’Égypte.

Ce chantier titanesque fait couler beaucoup d’encre depuis son lancement notamment à cause de l’envergure du projet. Au total, ce dernier coûte 60 milliards d’euros et s'étale sur une superficie de 750km². Le chantier n’est pas encore terminé, mais de nombreuses installations sont déjà sorties de terre. Pour les autorités égyptiennes, cette nouvelle ville s’inspire clairement de Dubaï, se désignant même comme le “nouveau Dubaï”. 

 

La folie des grandeurs de l’Égypte

La démesure est un adjectif qui correspond parfaitement à cette nouvelle capitale tant elle bat tous les records sur le continent africain. L’Iconic Tower est la pièce maîtresse de la ville, du haut de ses 77 étages et 394 mètres de haut, elle sera la plus haute tour du continent africain. Sous la forme d’un obélisque, elle trône au milieu du tout nouveau quartier des affaires. Son inauguration est prévue pour l’année 2024.

 

 

Mais, Sissy-city ne s’inspire pas seulement de Dubaï, mais aussi des Etats-Unis et plus précisément du pentagone. Bien évidemment, l’Egypte voit plus grand avec l’octagon, son nouveau quartier de défense. Le pouvoir politique est aussi présent dans la nouvelle capitale avec un immense palais présidentiel, un parlement et pas moins de 35 bâtiments pour les différents ministères, tous les édifices plus grands les uns que les autres. 

 

 

Ambitions olympiques pour l’Égypte

La culture est aussi à l’honneur dans cette capitale fraîchement sortie de terre. Une bibliothèque avec près de 5 millions de livres et un opéra tout de marbre vêtu sont en construction. Mais, l’un des axes majeurs de ce projet pharaonique reste la cité olympique internationale de l'Égypte. Un véritable village dans la ville. 

Ce village olympique dispose de tous les équipements pour accueillir des événements sportifs majeurs. Un tout nouveau stade de 80 000 places, un village olympique avec des logements pour accueillir les athlètes et plusieurs autres installations sportives diverses et variées. Avec de telles constructions, l'ambition olympique de l'Égypte est claire. Le pays souhaiterait devenir le premier du continent africain à accueillir les Jeux Olympiques à l'horizon 2036-2040. 

 

 

 

L’Égypte enlisé dans une situation économique préoccupante 

La construction d’un tel chantier pose forcément des questions sur son coût. D’autant plus que l'économie égyptienne est loin d'être au meilleur de sa forme. Avec une hausse des prix de 30% chaque année à cause de l’inflation, l’état économique de l’Égypte est préoccupant. 

“L'Égypte est un pays pauvre avec un niveau de PIB par habitant relativement bas et une croissance démographique encore assez élevée. Très concrètement, aujourd'hui il faut une forte croissance économique pour arriver, à peu près, à augmenter le niveau de vie global des égyptiens. Un véritable problème.” explique l'économiste Norbert Gaillard. 

Une situation qui mérite de s’y attarder, d’autant plus que l’Égypte importe plus qu’elle n'exporte tout en étant multi dépendante auprès d’investisseurs internationaux comme les pays du Golfe, les États-Unis ou la Chine. Depuis la guerre en Ukraine, la hausse des prix des céréales comme le blé a fortement impacté l'économie égyptienne et aggravé l’inflation.

Aujourd'hui, le pays est dans une situation sociale très délicate avec 25% de chômage chez les jeunes tandis que, avant la récente dévaluation, 60% de la population vivait sous ou juste au-dessus du seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale. Tous ces éléments peuvent créer de fortes tensions sociales et menacer l’apparente stabilité politique.

“L'Égypte est, certes, soutenue par plusieurs grands pays et types d’investisseurs. Mais le pays traîne comme un boulet sa dette publique, qui ne cesse d'augmenter. Une situation assez dramatique jusqu'à maintenant, d’autant plus que les tensions en mer rouge avec les rebelles houthis et les pays occidentaux ont de quoi inquiéter.” raconte Norbert Gaillard, spécialiste du risque pays et souverain.

 

La nouvelle capitale administrative de l'Égypte en chantier

 

 

Une capitale rutilante au détriment de l’économie ? 

Un tel chantier pharaonique pose donc forcément la question de son financement. De nombreux investisseurs étrangers financent en partie ce projet comme les pays du Golfe ou la Chine, qui aide grandement à la construction du quartier d'affaires, que ce soit financièrement ou avec de la main d'œuvre. Malgré cela, l’impact sur l'économie reste massif. 

“La construction de la nouvelle capitale de l’Égypte coûte 60 milliards d’euros, un montant supérieur aux exportations annuelles du pays qui s'élèvent à 45 milliards d’euros. Un montant très important à l’échelle de l’Égypte. Je suis assez sceptique sur la réussite de ce projet, je pense qu’il y a sans doute d’autres priorités. Après, Le Caire est une ville tentaculaire sujette à des problèmes de logistiques. La décision de déplacer la capitale peut se comprendre. Mais, le coût de la nouvelle capitale est sans doute assez inquiétant et reste problématique.” explique Norbert Gaillard, économiste. Même si l’impact sur l’économie égyptienne est important, le pays espère bien des retombées économiques grâce à cette construction pharaonique.

 

 

Un problème de surpopulation définitivement réglé pour Le Caire ?

L’un des autres objectifs, et pas des moindres, de cette nouvelle capitale est de désengorger Le Caire. Un objectif loin d'être garanti.

“Si le projet était de désengorger la ville, les anciens bâtiments seraient alors réutilisés, réaménagés en parcs et autres espaces publics. Mais, à la place, le gouvernement va les louer ou les vendre à d'autres investisseurs qui les transformeront en hôtels ou les mettront à disposition d’entreprises. Il s'agit donc simplement de déplacer des personnes d’une ville à l’autre. Mais cela ne résout pas le problème de surpopulation dans Le Caire.” explique Yahia Shawkat, chercheur en logement et en urbanisme en Égypte. 

La nouvelle capitale ne serait donc pas la bonne solution pour traiter du problème de surpopulation auquel fait face Le Caire. Une chose est certaine, cette nouvelle ville ne souffrira pas des mêmes problèmes que la capitale actuelle de l’Égypte : “Je ne pense pas que la nouvelle capitale souffrira de surpopulation car elle est construite sur une densité très faible. Il y a beaucoup d'argent et d'efforts pour s'étendre, pour la contrôler et la gérer. À l’inverse, je pense qu'elle va souffrir d'une sous-population pendant longtemps.” raconte Yahia Shawkat, cofondateur de 10Tooba. 

 

 

L’économie de la nouvelle capitale égyptienne déjà menacée ? 

Un problème de sous-population est tout autant négatif, car une ville sous-peuplée pourrait freiner l’économie de la zone et des entreprises présentes : “Les logements et infrastructures sous-utilisés ne sont pas bons pour l’économie car ils ne généreront pas les revenus nécessaires pour continuer. Ils pourraient se dégrader avant même d'avoir réellement commencé.” explique Yahia Shawkat, ancien architecte.

Les prix pour la plupart inabordables des logements dans la capitale flambant neuve n’aide en rien pour attirer la population. Selon une estimation, le prix au mètre carré est de 9 000 à 10 000 livres égyptiennes, soit 450 à 500 euros alors que le salaire mensuel brut en Égypte est de 300 euros en moyenne. 

Plusieurs habitations au Caire en Égypte

 

Le chantier n’est pas encore fini, mais le nouveau projet du maréchal-président Abdel Fattah al-Sissi devrait s’achever d’ici quelques années. Outre la nouvelle capitale, le maréchal Sissi multiplie les travaux de grande ampleur avec le nouveau Delta. L’objectif est de construire la plus grande rivière artificielle du monde dans le but d’augmenter les exportations et de renforcer la sécurité alimentaire de l’Égypte. De quoi continuer d’alimenter l'ambition du maréchal-président avec des projets tous plus démesurés les uns que les autres. 

 

 

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