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CINÉMA EN INDONÉSIE : pourquoi une offre si peu diversifiée ?

Écrit par Lepetitjournal Jakarta
Publié le 19 juin 2017, mis à jour le 7 janvier 2018

 

Faible concurrence dans l'exploitation des films, nombre d'écrans encore limité et demande uniformisée expliquent en partie le manque de diversité actuel dans les salles obscures indonésiennes. Hollywood first !

Si les inconditionnels de blockbusters américains trouveront probablement leur bonheur à Djakarta, difficile de dénicher en salle de quoi contenter les cinéphiles plus curieux ou plus exigeants. Comme les super-héros régulièrement à l'affiche de ce type de grosses machines commerciales, les films US dotés d'un budget considérable écrasent et pulvérisent la concurrence sur leur passage.

« En Indonésie, l'offre cinématographique est très largement orientée vers Hollywood. 80 % des parts de marché proviennent de films américains », confirme Haryani Suwirman, en charge de la programmation pour le groupe coréen CGV (ex-Blitz), qui se développe depuis près de cinq ans dans l'archipel.

« En tant que nouvel acteur sur ce marché, on tente de donner des options alternatives aux spectateurs, mais dans les faits, le nombre d'entrées n'est pas très élevé. Donc on ne peut pas faire cela trop souvent. Ici, les gens sont habitués à des films en langue anglaise, donc par exemple, les ?uvres françaises, allemandes, voire coréennes, rencontrent peu de succès. »

Une demande uniformisée

D'autant que le public lui-même n'est pas très bigarré. « Jusqu'à maintenant, les Indonésiens qui peuvent aller au cinéma, appartiennent principalement à ?l'élite'. C'est-à-dire des gens qui ont les moyens de se rendre dans des centres commerciaux relativement chers »décrypte Guillaume Catala, producteur français installé à Djakarta.

« Les week-ends, une place peut couter 75.000 roupies. Imaginez un couple : leurs deux tickets, auxquels s'ajoutent le pop-corn, les boissons, le parking, etc., leur reviennent au total à 250.000 Rp. C'est beaucoup pour un Indonésien moyen qui gagne de 2 à 4 millions de roupies par mois ! Donc ceux qui peuvent se permettre d'aller au cinéma, ce sont des gens éduqués ?à l'international' et qui veulent consommer de tout sauf du local. »

Confirmation du côté de CGV, qui justifie au passage l'absence de diversité. « Au niveau du calendrier, on sait qu'à partir d'avril ou mai débute la saison des films d'été, avec les très grosses productions. L'année dernière c'était Captain America, cette année c'est Fast and furious, Wonder Woman? Tout le monde va voir ça ici, donc on ne met pas d'autres films en face. Par ailleurs, nous sommes aussi obligés de diffuser chaque semaine des films indonésiens, donc au final, il n'y a plus de place pour autre chose. »

Un nombre d'exploitants et d'écrans réduits

Autre facteur limitant, le nombre d'écrans. En France, les 65 millions d'habitants peuvent visionner un film dans près de 5600 salles. L'Indonésie, qui compte quelque 200 millions d'habitants supplémentaires, ne dispose, elle, que d'environ 1200 écrans. L'écrasante majorité d'entre eux appartenant à l'heure actuelle au groupe 21.

Avant l'apparition de CGV et de Cinemaxx (groupe Lippo), les cinémas 21 avait même une situation de monopole sur l'importation et l'exploitation de films en Indonésie. Le manque de diversité actuel dans l'offre cinématographique découle donc aussi largement de leur politique. *

« En fin de compte, un cinéma, c'est aussi une entreprise liée à l'immobilier. Elle vend du pop-corn, du coca cola (?) et elle loue ses sièges à l'heure, quel que soit le show devant. Donc elle veut être sûre qu'elle va rentabiliser son investissement immobilier », analyse Guillaume Catala. « Effectivement, l'offre est limitée, parce que jusqu'à maintenant, en raison du nombre de salles restreint, ces entreprises ne pouvaient pas prendre de risques. Je peux aussi comprendre la position de 21? Au final c'est un business, pas une ?uvre de charité. »

Des festivals pour compléter l'offre

En attendant de rêver à l'apparition d'une pluralité cinématographique née du développement en cours de la concurrence et de la multiplication des salles, les adeptes d'un cinéma non-exclusivement truffé de grosses productions intellectuellement peu contraignantes, pourront profiter des festivals qui essaiment à travers la capitale, à l'image de Europe on screen. Ou encore se désembouteiller l'esprit lors d'une séance régulière du Ciné-Macet de l'IFI. D'autant que contrairement aux films diffusés en salle, la censure indonésienne ? notamment peu friande de scènes dénudées ? n'y dévêtit pas les films de leur contenu.

 Joël Bronner (www.lepetitjournal.com/jakartamardi 20 juin 2017 

* Nous avons sollicité la communication du groupe 21, qui s'est malheureusement dite incapable de répondre à nos questions dans un délai inférieur à un mois et demi.

 

lepetitjournal.com jakarta
Publié le 19 juin 2017, mis à jour le 7 janvier 2018