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Protection de l'enfance - Mise en garde contre le "volontourisme"

Indonésie Tourisme VolontariatIndonésie Tourisme Volontariat
Écrit par Lucie Pech
Publié le 14 juillet 2019, mis à jour le 17 juillet 2019

Face à l'émergence du concept de "volontourisme" qui allie voyage et séjour humanitaire, l'association ChildSafe Movement créée en 2005 par Friends International au Cambodge lance un cri d'alarme : les enfants ne sont pas une attraction touristique!

ChildSafe, mouvement global de protection de l'enfance, a trouvé un moyen original de sensibiliser les touristes aux risques que représentent certains de leurs comportements lorsqu'ils sont en présence d'enfants en formant directement les acteurs locaux et notamment les guides touristiques. Le tour Operator Buffalo Tours installé à Bali a justement bénéficié de cette formation pour ses guides. Nous avons interrogé Valérie Sfeir, Coordinatrice Internationale de ChildSafe Movement sur le déroulement et l'intérêt de ces stages. 

Lepetitjournal.com/jakarta : ChildSafe movement a décidé de s'adresser directement aux guides touristiques. Est-ce que cela signifie que l'essor du tourisme en Asie du Sud-Est représente un danger pour les populations locales ?

Valérie Sfeir : Tout d'abord, je tiens à préciser que l'industrie du tourisme ne crée pas de problématique mais qu'elle peut potentiellement les aggraver. La plupart des voyageurs sont bien intentionnés, mais une fois sur place et face à la pauvreté, ils pensent bien faire en donnant par exemple de l'argent aux enfants qui mendient ou qui vendent des bracelets et des cartes postales dans les lieux touristiques. Il en va de même du volontourisme proposé par des agences de voyage ou des hôtels et qui permet d'ajouter un volet humanitaire à son séjour. Notre mission consiste à prévenir et à sensibiliser. Pour cela, nous nous adressons tout d'abord aux enfants eux-mêmes, aux voyageurs et aux citoyens. Nous partageons également nos connaissances et nos ressources avec les autres ONG présentes sur le terrain. Troisième axe de notre action : les autorités locales et les gouvernements. Nous recherchons toujours des solutions intégrées pour qu'elles soient utiles dans la continuité pour le pays. Enfin, nous développons des actions auprès des entreprises du tourisme, que ce soit les agences, les hôtels, les restaurants, les chauffeurs de taxi et bien sûr les guides. C'est dans ce cadre que le personnel de Buffalo Tours a été formé dans nos locaux à Bangkok en avril dernier.

LPJJ : Quel intérêt pour un tour operator de former ses guides à la protection de l'enfance ?

V.S : Compte-tenu de l'émergence du volontourisme, les tours operator qui ne proposent pas de visites d'école ou d'orphelinat perdent des clients, ce qui représente un vrai manque à gagner pour eux. Pourtant, plutôt que de suivre cette mode, Buffalo Tours a préféré se tourner vers ChildSafe Movement pour apporter une formation à son personnel. C'est la première agence de voyages à bénéficier de ce programme en Indonésie. Concrètement, nous donnons des outils aux guides pour qu'ils puissent à la fois repérer les risques encourus par les enfants dans les zones touristiques et leurs porter secours ou alerter en fonction du problème observé : la police, les urgences médicales ou une ONG locale. Ils doivent aussi pouvoir expliquer à leurs clients touchés par la pauvreté des enfants qu'en leurs donnant de l'argent, ils contribuent malgré eux à entretenir un système qui exploite les plus vulnérables. Les guides ainsi formés doivent être en mesure de proposer une alternative aux visites d'orphelinat ou d'école en choisissant par exemple de faire un don pour un projet qui soutient la collectivité locale et finance la scolarisation des enfants, la formation des familles ou des jeunes. Autre alternative, acheter des souvenirs et des produits dans des boutiques de commerce équitable ou vendus par des associations locales. Ces actions tendent à briser des cycles de pauvreté et d'exploitation des enfants sur le long terme. Les guides contribuent ainsi au développement d'un tourisme responsable et respectueux des communautés locales.

LPJJ : Et pour nous, simples touristes, comment pouvons-nous être certains de ne pas porter atteinte aux enfants des pays que nous visitons ?

V.S : Il faut prendre conscience qu'un enfant qui récolte suffisamment d'argent pour couvrir ses besoins quotidiens en nourriture par le biais de la mendicité aura du mal à changer de trajectoire. Les ONG luttent justement pour proposer d'autres moyens de financement pour les parents et la communauté en général.  Evitez de donner de l'argent directement aux enfants. Soyez vigilants quand on vous propose d'assister à des spectacles qui utilisent des enfants en bas âge. Choisissez plutôt de faire vos achats dans des boutiques proposant des souvenirs produits par les parents des enfants marginalisés. Bien sûr, refusez les visites de décharges, bidonvilles ou orphelinats. Cette nouvelle forme de tourisme que l'on nomme désormais le "poorism"  entretient la pauvreté et sape le travail des organisations qui soutiennent les enfants et leurs familles. Quant au volontourisme, il faut prendre conscience que sans compétences spécifiques, un volontaire ne devrait jamais travailler directement auprès d'enfants.  Si vous avez des doutes, choisissez des entreprises ayant obtenues la certification ChildSafe ou suivez les 7 conseils pour les voyageurs.

 

Pour aller plus loin sur le même sujet, vous pouvez consulter :
 
TSR Mise au point
https://www.rts.ch/info/monde/8342569-le-tourisme-d-orphelinat-un-business-aux-lourdes-consequences.html
 
FR2 Envoyé spécial
https://www.dailymotion.com/video/x5dre37_envoye-special-avec-les-meilleures-intentions-du-monde_news

 Article paru en juin 2017.

Lucie pech
Publié le 14 juillet 2019, mis à jour le 17 juillet 2019