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Découvrez "Les Nuits de la peste", le nouveau roman d’Orhan Pamuk

Les Nuits de la peste, le nouveau roman d’Orhan PamukLes Nuits de la peste, le nouveau roman d’Orhan Pamuk
Photo de la promotion du livre "Vefa geceleri", d'Orhan Pamuk (ajandakolik.com)
Écrit par Gisèle Durero-Köseoglu
Publié le 28 avril 2021, mis à jour le 12 juin 2023

L’évènement littéraire de ce début de printemps 2021, en Turquie, est la sortie du roman d’Orhan Pamuk, Les Nuits de la peste (Veba Geceleri, pas encore traduit en français).

Le célèbre écrivain a publié ces derniers jours une série de vidéos très intéressantes dans lesquelles il présente sa nouvelle œuvre à ses lecteurs. Voilà donc la synthèse de ses commentaires…

Un roman sur une épidémie de peste

Il se passe en 1901 dans l’île ottomane imaginaire de Minger, dont la population est moitié musulmane, moitié chrétienne, lors d’une épidémie de peste appelée "la troisième pandémie". L’écrivain a souhaité relier des événements historiques réels à des héros nés de son imagination. Il définit ainsi son œuvre comme un roman d’amour, un roman policier et un roman historique mais qui prend des allures de conte dans la seconde partie et offre un dernier panorama de l’Empire ottoman.

 

Roman Orhan Pamuk Les Nuits de la Peste
L’île ottomane imaginaire de Minger

Des héros imaginaires

Tous les héros du roman sont imaginaires et le romancier a créé trois couples emblématiques de son histoire : le préfet de l’île de Minger, Salih Pacha et sa maîtresse cachée Marika ; le jeune officier Kamil, natif de l’île, qui est tombé amoureux de Zeynep et souhaite l’épouser ; la sultane Pakizé, troisième fille du sultan Murat V enfermé au palais de Ciragan ; elle est mariée avec le spécialiste des quarantaines, le docteur Nuri, que le sultan Abdülhamid II, qui est aussi, en fond, un des peronnages du roman (réel, celui-là), envoie sur l’île de Minger pour combattre la peste. Orhan Pamuk explique qu’au-delà des faits de l’épidémie, son souci était de traduire le monde sentimental et spirituel des héros face à la peste. Car la force de l’amour, en butte à la peur de la mort, ne risque-t-elle pas d’être mise à rude épreuve ?

Les conditions d’écriture du roman : une pandémie survient alors qu’il était en train de décrire une pandémie !

Ce roman, auquel il pensait depuis quarante ans, lui a demandé cinq ans de travail. Orhan Pamuk raconte que lorsqu’il a commencé le livre, tout le monde lui demandait pourquoi il avait choisi ce sujet puisque les épidémies appartenaient au passé ; il répondait que l’on pouvait trouver des similitudes avec le monde moderne dans la coercition exercée par les pachas pour imposer la quarantaine. Puis, l’apparition de la pandémie de Covid-19 l’a bouleversé ! Il travaillait depuis plus de trois ans sur un sujet qui lui était propre et soudain, le sujet lui échappait et devenait celui de tout le monde. "Ce que j’écrivais dans mon roman était devenu vrai…", s’exclame-t-il.

Il s’est alors vite rendu compte que la pandémie de Covid-19 renvoyait aux mêmes angoisses que celles qu’il décrivait dans son roman, comme les doutes sur l’origine de la maladie, la peur de la mort, le confinement forcé, le couvre-feu, les hôpitaux, les cimetières débordés… et il a donc retravaillé son œuvre en fonction de cette nouvelle expérience…

Ce que la pandémie de Covid-19 a apporté à son roman

Tout le monde lui a posé la question :

"Est-ce que l’épidémie de Coronavirus t’a appris quelque chose ?" Oui, a-t-il répondu, la peur, la peur de la mort ! "J’avais compris cette peur en lisant les livres mais je ne l’avais pas vraiment imaginée. Car on n’apprend pas la peur de mourir dans une épidémie dans les livres… A cause de cela, j’ai terminé le roman dans l’émotion et l’urgence…"

Une immense recherche documentaire

Le grand écrivain qualifie la multitude de recherches qu’il a dû effectuer par la métaphore de "creuser un puits avec une aiguille". Il a consulté des livres d’histoire, de médecine, des brochures, des journaux de cette époque et même, des catalogues de vente d’objets par correspondance envoyés par les Européens dans l’Empire ottoman au siècle dernier. Il explique qu’il a acquis des connaissances "encyclopédiques" sur les efforts de modernisation de l’Empire ottoman dans ses institutions, en parlant de sujets peu connus, comme la pharmacie, le fonctionnement des anciens hôpitaux, des postes et des prisons. Il y analyse aussi les relations entre deux frères ayant chacun été sultan, Murat V et Abdülhamid II, qui au début s’entendent mais ensuite deviennent ennemis, l’un tenté par la modernisation, l’autre par le conservatisme.

Un carnet de dessins

"J’ai imaginé cette île pendant des années, maison par maison, rue par rue, avec tous ses détails", précise-t-il. Rappelant que dans sa jeunesse, il voulait devenir peintre, il a effectué, à partir de photos et cartes postales anciennes, une multitude de dessins, celui de la couverture du livre et d’autres qu’il expose dans ses vidéos. Il s’est aussi inspiré des nombreux albums que le sultan Abdülhamid II, passionné de photographie, avait fait réaliser pour faire connaître son empire à l’étranger. Il s’est plu à dessiner tous les édifices de son île, les maisons, les mosquées, les églises, le bureau de poste, les hôpitaux ; et aussi la carte complète du lieu, qu’il expose dans son livre et qui jouera dans l’histoire le rôle d’une carte épidémiologique enregistrant l’extension de la maladie.

 

Roman Orhan Pamuk Les Nuits de la Peste

 

Roman Orhan Pamuk Les Nuits de la Peste

 

Roman Orhan Pamuk Les Nuits de la Peste

 

Roman Orhan Pamuk Les Nuits de la Peste

 

Roman Orhan Pamuk Les Nuits de la Peste

 

Que peut-on observer de semblable ou de différent dans les pandémies ?

Au final, quels que soient l’époque et le lieu, les réactions du peuple face à l’épidémie sont semblables, pense-t-il. D’abord, les états n’acceptent pas et nient, et pendant ce temps, l’épidémie s’est répandue ; ensuite se répandent les rumeurs, les commérages, les accusations, les soupçons des complotistes ; les états se replient sur eux-mêmes et favorisent la nationalisme ; puis, les commerçants se dressent contre le confinement qui ruine leurs affaires et déclenchent des émeutes contre les quarantaines, si bien que le pouvoir devient de plus en plus autoritaire et répressif. Mais bien sûr, la grande différence est qu’une personne sur trois mourait de la peste, les médecins ne tentaient que de soulager les douleurs alors que la plupart des gens qui attrapent le Covid 19 guérissent. Cependant, ce qui est commun, c’est la peur. C’est, en effet, parce que les gens ont peur qu’ils obéissent aux ordres de confinement. D’ailleurs, Orhan Pamuk plaisante en déconseillant aux lecteurs de lire son livre la nuit car, par certains côtés, c’est un roman d’épouvante !

Le livre renferme-t-il des allusions politiques ?

"Je n’ai pas hésité à faire des 'clins d’œil' à la politique d’aujourd’hui mais le but d’un roman sur lequel vous avez réfléchi pendant quarante ans ne peut pas être de critiquer le gouvernement du moment !" commente-t-il… Certes, il est possible qu’on puisse trouver des ressemblances avec la situation actuelle mais ce n’est pas le but du livre…

On attend donc avec impatience la traduction en français. Il ne fait aucun doute que le roman Les Nuits de la Peste est un chef-d’œuvre de plus de l’auteur et qu'il se rangera dans les grands classiques utilisant l’allégorie de l’épidémie, comme La Peste de Camus, Le Hussard sur le toit, de Giono ou Némésis, de Philip Roth…

 

Les Nuits de la peste, nouveau roman d'Orhan Pamuk

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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