

Comment sortir de la crise? Telle est la question que se posent nombres de gouvernements, et il est assez instructif de faire un tour de table sur les trois continents. Qui fait quoi, et avec quels résultats?
Le Japon, sorti de la spirale déflationniste?
Après les " Reaganomics ", terme donné à la politique de R.Reagan au début des années 80, et dont la finalité était de réduire les dépenses publiques, diminuer les impôts, maîtriser l'inflation et alléger les régulations en tous genres, on a l'" Abenomics ", contraction du nom du Premier ministre nippon, Abe, et du mot " economics ". Depuis son élection de novembre dernier, il a initié un plan de relance massif, avec injection de liquidités de la part de la banque centrale du Japon. Succès total puisqu'à la fin du premier trimestre, la croissance a flirté avec les 0,9%, et le Nikkei ( indice boursier ) s'est envolé de...45% ( oui vous avez bien lu! ) depuis le début de l'année! Imprimer des Yens a permis de doubler la masse monétaire, et la dévaluation de 30% de sa monnaie depuis l'automne dernier face à l'euro a permis au Japon de tirer ses exportations à la hausse (+4%). Seule ombre au tableau, sa dette représente 240% du PIB! Une paille, selon quelques observateurs, car celle-ci est détenue à 99% par les Japonais eux-mêmes.
Bernanke dans les pas de Greenspan
Aux Etats-Unis, Ben Bernanke, président de la Réserve Fédérale, que ses détracteurs appellent "Helicopter Ben", en théorisant dans un fameux discours de novembre 2002 sa vision en cas de déflation ( baisse générale des actifs ). Il avait à l'époque clairement dit que dans une situation pareille, il ferait larguer depuis un hélicoptère des tonnes de dollars de manière à éteindre l'incendie déflationniste. Ce qu'il n'a pas manqué de faire une fois aux manettes de la FED, puisqu'il déverse chaque mois 85 milliards de dollars. Les taux d'intérêt ont plongé pour osciller autour de 0,5%, et les chiffres depuis le début de l'année sont plutôt encourageants, avec une croissance de 2,5% pour le premier trimestre, 250.000 emplois créés, et un taux de chômage enviable de 7,5%, même si ce chiffre est sujet à caution (vu qu'on peut le traficoter facilement ). La consommation a repris aussi, avec des dépenses en hausse de 3% en rythme annuel et le marché immobilier se requinque ( Prix en hausse de 12% en moyenne sur 1 an ) après la déflagration des années 2009-2012. Tout cela est à prendre avec des pincettes, tant que la reprise reste fragile.
Et l'Europe dans tout ça?
Au vu des exemples japonais et américains, de plus en plus de voix s'élèvent pour rejeter les politiques d'austérité en Europe, alors que la relance dans ces 2 pays a produit des résultats rapides et encourageants. La FED et la BoJ sont indépendantes, et "Super Mario", surnom de Mario Draghi, président la banque centrale européenne, depuis qu'il a annoncé à l'été 2012 que "l'euro est irréversible" (ce qui a provoqué une flambée des indices boursiers), a les mains liées, car même si la BCE s'affiche comme indépendante, elle reste malgré tout sous le "joug" allemand. Et donc sous son orthodoxie monétaire. Il n'est pas question d'inonder le marche européen de liquidités, ni de lâcher du lest en matière de discipline budgétaire.
Ceci étant, il ne faut pas s'emballer sur les exemples japonais et américains, car pour l'heure, tous les gouvernants tentent, de manière non orthodoxe, des sorties de crise, et tout le monde tâtonne, du fait que personne ne détient la clé du miracle du plein emploi. Mais une chose est sure : les peuples s'impatientent, et ils ne tiendront pas l'année sans qu'un signal fort ne soit donné sur le vieux continent pour relancer la machine économique, et donc redonner espoir aux populations. Elles ne peuvent pas comprendre - à juste titre - des marchés boursiers touchant le toit du monde, et dans le même temps un chômage de masse !
Amine Cassim (www.lepetitjournal.com/Berlin) jeudi 23 mai 2013