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EXPATRIATION - "Mais tu es devenue américaine ou quoi ?"

Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 20 juin 2016, mis à jour le 20 juin 2016

 

Voilà maintenant huit ans que nous vivons aux États-Unis et quand je rentre en France, ma mère s'exclame de plus en plus souvent : "mais qu'est-ce que tu es devenue américaine !". Je n'entendais jamais cette exclamation les premières années de notre expatriation, mais il me semble que l'été dernier je l'ai beaucoup entendue et je sais bien pourquoi. On parle en effet de choc culturel inversé quand on retourne dans son pays d'origine. Témoignage.

 Lac Michigan (Milwaukee, Wisconsin) 

Chacun de mes déplacements en France m'amène aujourd'hui de plus en plus à m'interroger sur mon identité culturelle et mon assimilation de la culture américaine.

Comment tout ceci a-t-il commencé ? Le premier signe de mon américanisation est ce que mes parents qualifient d'obsession hygiéniste. À l'origine, je n'y avais pas prêté attention et mettais cela au compte de mon statut de jeune maman. N'est-il pas normal de préférer voir son bébé de 6 mois « assis » sur un tapis de jeux plutôt que la vieille couverture du chat pleine de poils ? De stériliser les biberons à tour de bras pour éviter la gastro afin de ne pas se gâcher les vacances ?

Cependant force est de constater que mon américanisation ne cesse de progresser ; je ne peux plus l'ignorer. Quels sont les autres signes de cette américanisation rampante ? Ils sont immanquables. En voici quelques-uns :

1) Je trouve la taille des machines à laver en France minuscule et je m'insurge de devoir étendre le linge (mais pourquoi ne pas investir dans un sèche-linge quand on habite dans une région humide ?).

2) J'essaie d'aller à la banque le samedi après-midi et me heurte à une porte fermée. Je pars faire du shopping en centre-ville le lundi matin pour découvrir que rien ou presque n'ouvre avant 14 heures. Aux États-Unis, paradis du shopping, tout est toujours ouvert ou presque. Je n'en reviens pas, j'avais oublié que c'est loin d'être le cas partout en France.

3) Après avoir beaucoup regretté certains produits français au début de mon expatriation, je me rends compte qu'ils me manquent rarement maintenant et que je passe moins de commandes sur les sites spécialisés qui permettent d'importer des produits français aux États-Unis. Inversement, quand je suis en France, je m'émerveille comme un touriste étranger quand je vais au marché, à la boulangerie et au supermarché. Je reviens du supermarché avec trop de produits laitiers. J'avais oublié que les frigos français sont si petits. Je cherche en vain ma marque préférée de beurre de cacahuètes et me console avec de la crème de marron.

4) Mais pourquoi les Français dinent-ils si tard ? Je peste contre les diners qui commencent à 20 heures et n'en finissent pas. Manger à l'heure américaine, vers 18 heures, me manque cruellement. Je me présente à l'heure pile aux invitations pour découvrir que la maitresse de maison n'est pas prête. Elle comptait sur le quart d'heure de politesse. Un quart d'heure qui aurait été considéré comme un retard dans mon nouveau pays ; les règles de politesse sont loin d'être universelles.

5) Mes fils connaissent mieux les paroles de la Marseillaise que moi. Ils les ont apprises in extenso dans leur école internationale en cours d'histoire pendant le chapitre traitant de la Révolution française. Je ne me souviens pas l'avoir apprise pendant ma scolarité dans le système public français.

6) J'ai souvent faim en sortant de certains restaurants français. Après autant d'années nourries aux portions extrêmement généreuses des restaurants américains, on commanderait presque un deuxième dessert.

7) J'ai perdu l'habitude de faire la bise et suis presque convertie au hug. J'observe le cérémonial de la bise en France avec l'?il d'une anthropologue et m'y prête sans grâce.

8) Mon père me prête sa voiture. Je cale. J'ai oublié qu'il fallait passer les vitesses. « Mais tu ne sais plus conduire ou quoi ? ». Non, mais cela fait huit ans que mes voitures sont automatiques. 

9) Je cherche de plus en plus mes mots en français et commence à me parler en anglais. Je réagis à peine quand mes enfants mélangent allègrement français et anglais ; cela me choque de moins en moins et je fais probablement la même chose inconsciemment. 

10) Je dis « les Français » pour parler des Français au lieu de dire « nous ». Pour autant, je continue à parler des Américains sans pouvoir m'identifier à eux.

Plus uniquement française, mais pas vraiment américaine, voici l'entre-deux culturel identitaire que de nombreux expatriés vivent quand leur expérience en expatriation dure plus de quelques années. Et vous, quel a été le signe déclencheur de cette nouvelle identité ? Quand vous a-t-on dit pour la première fois, mais tu es américain(e), belge, allemand(e), chinois(e), anglais(e)? ou quoi ?

Sophie Landrieux (www.lepetitjournal.com) lundi 20 juin 2016

Sophie Landrieux vit en expatriation aux États-Unis depuis huit ans. Elle est l'auteur de « Chroniques de l'Amérique au quotidien : une Française décrypte l'American way of life ». Cet ouvrage est disponible sur Amazon.

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Publié le 20 juin 2016, mis à jour le 20 juin 2016

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