Les deux-tiers des expatriés français n'envisagent pas un retour en France dans les cinq ans à venir. Pourquoi cette réticence ? La protection sociale "à la française" peut-elle les faire changer d'avis ?
photo AFP
Le nombre de Français à l'étranger augmente régulièrement, il a même doublé en 20 ans (voir notre article Toujours plus de Français dans le monde). Une tendance se dessine : ces expatriés semblent de moins en moins pressés de rentrer au bercail. Ils apprécient leur vie hors de l'Hexagone, au point que 68% d'entre eux n'envisagent pas un retour en France dans les 5 ans, d'après le baromètre Humanis-Lepetitjournal.com. Pourquoi ?
Un environnement de travail stimulant
80% des personnes que nous avons interrogées estiment qu'elles acquièrent à l'étranger des compétences professionnelles qu'elles n'auraient pas pu avoir en France. Pour 76% d'entre elles, l'expatriation permet d'avoir un profil professionnel plus attractif que si elles étaient restées en France. C'est donc l'intérêt de leur mission, plus que des raisons fiscales par exemple, qui justifie leur départ. La rémunération est également l'une des principales raisons qui freinent le retour en France : « Aujourd'hui, près de 20% des expatriés gagnent entre 36.000 et 60.000 euros net alors que le revenu annuel net moyen en France est de près de 29.000 euros », explique Hervé Heyraud, fondateur du site lepetitjournal.com. Or 59% des sondés déclarent que leur revenu ne sera pas plus élevé une fois revenus en France.
Une image négative de la France
Si pour l'immense majorité des Français résidant hors de France, l'expatriation est un atout pour l'économie française, 6 sur 10 expliquent leur départ par une image négative de la France. 41% évoquent l'état d'esprit général, qu'ils considèrent comme morose, peu dynamique, ou encore tourné vers le passé. Pour 31% d'entre eux, ces facteurs sont politiques (conservatisme), sociaux (crise, chômage, insécurité) ou encore économiques (manque d'opportunités professionnelles, « matraquage fiscal » ou administration envahissante).
La protection sociale française, un vrai manque !
Sept expatriés interrogés sur 10 déclarent que la protection sociale « à la française » et le système de soins font partie de ce qui leur manque le plus à l'étranger. On ne peut pas tout avoir, diraient les mauvais esprits ! 87% d'entre eux disposent d'au moins une couverture sociale et parmi eux, 9% s'estiment « hyper protégés » car ils détiennent les quatre types de couverture sociale (santé, prévoyance, retraite et rapatriement).
Pour plus de 8 expatriés sur 10, la couverture santé est souscrite soit par le biais de l'employeur, soit à titre privé. Ceux qui choisissent de souscrire une couverture à titre privé (41%), donnent comme première raison la volonté de garder un lien avec la Sécurité sociale française par le bais de la Caisse des Français de l'étranger, parfois associée à une assurance ou mutuelle santé complémentaire. Ceux qui n'ont pas du tout de couverture santé disent y avoir renoncé principalement à cause de son coût.
La médecine française reste plébiscitée par les expats. Un tiers d'entre eux attend un retour en France, à l'occasion de vacances ou de voyage professionnel, pour certains soins, preuve que le système de santé français continue d'avoir auprès d'eux une image de qualité.
La couverture en prévoyance pour les risques lourds (invalidité, d'incapacité ou de décès après un accident par exemple) reste moins fréquente et ne concerne que 4 expatriés français sur 10. Cette couverture prévoyance est généralement souscrite par les employeurs. « La protection sociale n'est pas automatique, même pour les salariés. Ils ne sont pas forcément bien couverts par leurs entreprises. Il faut être d'autant plus vigilant, lorsqu'on s'expatrie dans une zone à risques ou dans un pays dont le système de santé est peu développé », déclare Sylvaine Emery, Directrice des activités internationales du groupe Humanis.
Retraites
Près de 4 expatriés actifs français sur 10 cotisent à un dispositif de retraite en plus du régime local obligatoire. Mais ils optent alors, pour la moitié d'entre eux, pour un système privé local par capitalisation. L'autre moitié cotise soit la retraite de base, soit un système français par capitalisation, ou encore la retraite complémentaire Agirc-Arrco. «Beaucoup de retraités français n'hésitent pas à quitter l'hexagone pour deux principaux motifs : une meilleure qualité de vie mais aussi pour fuir la solitude qu'ils ressentent en France » estime Hervé Heyraud. Pour lui, cette étude confirme que « L'expatriation a changé de visage ces dernières années et le monde est devenu un terrain de jeu pour de nombreux Français : les jeunes sont de plus en plus nombreux à suivre un cursus à l'étranger durant leurs études. C'est une première expatriation. Cela permet de rompre des barrières linguistiques, psychologiques et affectives».
MPP (www.lepetitjournal.com) jeudi 12 mars 2015
Méthodologie : 3è édition du Baromètre Humanis-Lepetitjournal.com réalisé par l'institut CSA dans le cadre de l'observatoire des expatriés français d'Humanis. Etude conduite du 15 décembre 2014 au 15 janvier 2015 par Internet auprès d'un échantillon représentatif des expatriés lecteurs du site « lepetitjournal.com » et de «VoilàNewYork ».
Lire aussi : CONCERTATION - Quelles solutions pour favoriser la bonne réintégration des expatriés lors du retour en France
RETOUR D'EXPAT ? Une nouvelle aventure !
"L'instabilité est nécessaire pour progresser, disait Coluche. Si on reste sur place, on recule". C'est peut-être pour cette raison qu'après plusieurs années à l'étranger, le retour en France est parfois teinté d'un peu d'appréhension. L'impatriation, parce qu'elle amène elle aussi son lot d'expériences et la richesse de pratiques nouvelles, doit être préparée soigneusement