«Ma patrie, c'est la langue française » disait Camus, c'est d'autant plus vrai pour les élèves francophones, issus du monde entier, qui ont en commun l'enseignement français. Cinquante élèves de 94 établissements français à travers le monde se sont réunis à Paris pour deux journées de débats autour du thème de la citoyenneté et du vivre-ensemble. Forts de leur biculture, ces ambassadeurs en herbe ont déjà un regard aguerri sur le monde contemporain. Ils ont ainsi discuté dans les règles d'un vrai débat de professionnels.
« Une mini-représentation du monde »
« Ambassadeurs en Herbe », projet éducatif et citoyen, organisé par l'AEFE et placé sous le parrainage de la Commission nationale française pour l'UNESCO, est organisé à l'échelle mondiale tout au long de l'année scolaire. A l'issue des finales organisées dans les pays participants, 50 ambassadeurs en herbe, écoliers, collégiens et lycéens ont été sélectionnés pour venir débattre pendant deux journées à Paris sur la citoyenneté et le vivre-ensemble.
Mardi 10 mai, les festivités démarraient sur une question épineuse, la liberté d'expression. Les élèves ont débattu dans une salle prestigieuse de l'UNESCO devant une assemblée composée de personnalités politiques et issues du monde de la francophonie. Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde, marraine de la promotion 2016 des Ambassadeurs en Herbe, s'est émue de cette assemblée hétérogène constituée par ses 50 filleuls de l'étranger. « Vous êtes la jeunesse dans sa diversité, vous êtes comme une mini-représentation du monde » a-t-elle déclaré lors des allocutions d'ouverture. André Vallini, secrétaire d'Etat chargé du Développement et de la Francophonie, en a profité pour rappeler à quel point la francophonie représentait une richesse pour la diplomatie française. De quoi donner le trac aux moins téméraires, mais les premiers débatteurs ne se démontent pas en gravissant les marches de l'estrade.
« Etre libre de s'exprimer, est-ce le droit de pouvoir tout dire ? »
C'est à cette question que la première équipe doit répondre. Chacune est composée de 6 jouteurs, 2 modérateurs et 2 médiateurs. La première « jouteuse » à prendre la parole vient de l'école primaire du Caire et s'appelle Maylee : « je vous invite à ne pas tout dire car certains élèves se suicident après avoir lu des insultes à leur propos sur les réseaux sociaux, c'est un danger » conclut-elle avec aplomb. Un discours qu'elle prononce également en anglais. La parole est ensuite donnée à Joseph qui étudie à l'école primaire à Ho-Chi-Minh Ville ; il se présente en français et en vietnamien. Pour lui, « être libre de s'exprimer c'est être libre de donner son opinion sans blesser les gens ». Vient le tour des jouteuses collégiennes, Aysha du Sénégal et Louise des Pays-Bas. Toutes les deux sont d'accord pour dire qu'une liberté totale de l'expression pose problème et qu'elle doit être encadrée par la loi. Aysha rappelle toutefois que dans son pays « la liberté d'expression n'existe pas ».
Le débat se corse, on commence à toucher au problème de la censure et notamment de Charlie Hebdo. Tous sont unanimes, l'école doit apprendre à décrypter les informations mais aussi aider à discerner ce qui peut être dit et ce qui ne le peut pas. Eva, jouteuse au lycée d'Istanbul, s'impose en fervente défenseuse de la liberté d'expression et reprend à son compte la citation de Descartes en la détournant :« Je pense donc je parle ». C'est un sujet qui touche particulièrement la lycéenne alors que la justice turque vient de condamner deux journalistes à de la prison ferme pour avoir critiqué le pouvoir.
« Des limites pour garantir la coexistence »
Pour Alban, qui est au lycée à New York, « il y a des limites légitimes et d'autres illégitimes » comme en Corée du Nord. Pour Eva, ces limites légitimes doivent être instaurées « pour garantir la coexistence ». Forts de leurs expériences à l'étranger, les élèves sont réactifs aux questions des médiateurs et argumentent en s'appuyant sur leur vécu. « Existe-t-il un pays avec une liberté d'expression totale ? » demande l'un deux. Pour Aysha, c'est une utopie.
Marie-Christine Saragosse clôt le débat, bluffée par la prestation des élèves, elle souligne l'essentiel, à savoir le droit à l'information qui est garantie par la liberté d'expression. Les autres sessions portent sur le climat, l'art et la citoyenneté qui sont autant de perspectives pour les élèves des établissements français afin d'aborder la question du vivre-ensemble.
Mathilde Poncet (www.lepetitjournal.com)- Vendredi 13 mai 2016