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La Thaïlande se dirige vers un 3e Songkran "sec", à moins que…

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Pierre QUEFFELEC - Durant le nouvel an bouddhique, Bangkok se vide de ses habitants et l’activité se concentre dans quelques quartiers où ont lieux d’intenses batailles d’eau

Les célébrations du Nouvel An bouddhique en Thaïlande seront vraisemblablement dépourvues de leur aspect le plus coloré : les batailles d’eau de Songkran. Mais certains gardent espoirs d’un changement

Tel un grand saut d’eau glacé sur la tête sous un soleil d'avril, l’annonce la semaine dernière par centre de gestion de la situation du Covid-19 en Thaïlande (CCSA) de sa décision d’interdire les batailles d’eau dans les rues pour Songkran a abasourdi le secteur du tourisme et même au-delà.

Et en début de semaine, le cabinet, qui rassemble les principaux ministres du gouvernement, a convenu de prolonger le décret d'urgence sanitaire jusqu'au 31 mai.

À moins de trois semaines de l’événement, beaucoup sont résignés, mais certains gardent espoir malgré tout de voir un changement de dernière minute.

Contactés cette semaine par lepetitjournal.com, plusieurs offices du tourisme n’osaient pas donner de réponse catégorique, semblant espérer que des batailles d’eau puissent encore être autorisées dans certains lieux et conditions répondant aux critères des autorités sanitaires thaïlandaises, qui imposent que les activités de Songkran se déroulent dans des espaces ouverts garantissant au moins un mètre carré par personne.

Contradiction

La décision du CCSA consterne l’ensemble des acteurs du tourisme et contraste fortement avec l'objectif du gouvernement de sortir progressivement du bourbier sanitaire d'ici juillet, a déclaré Sanga Ruangwattanakul, président de la Khao San Business Association, cité par le Bangkok Post.

Les autorités n’envoient pas un bon signal”, estime Punlop Saejew, président du Conseil du tourisme de Chiang Mai, interrogé jeudi par Lepetitjournal.com. 

Comme Sanga Ruangwattanakul, il note que “le gouvernement parle de faire passer le Covid-19 au statut de maladie endémique au 1er juillet tout en interdisant une fois de plus les batailles d’eau qui font la renommée de la Thaïlande au niveau international".

"Le sentiment de confiance pour les prochains mois dans l’industrie du tourisme n’est vraiment pas bon”, souligne-t-il. 

Encore quelque espoir

Dans le quartier commercial de Ratchaprasong, qui est habituellement l’un des quatre haut-lieux du Songkran festif dans la capitale, l’Administration de la ville de Bangkok (BMA) a d’ores et déjà prévu d’organiser un Songkran en version “nouvelle normalité” du 12 au 14 avril 2022. Au programme : spectacles folkloriques, art et nourriture. 

Les batailles d’eau y seront interdites, l’entrée limitée à 800 personnes, et le port du masque obligatoire. Les participants devront aussi montrer un certificat indiquant une vaccination complète et un rappel vaccinal et présenter un résultat négatif de test antigène ATK.

Il se peut toutefois que la BMA annonce d’autres lieux de festivités dans les prochains jours. Une réunion est prévue lundi pour décider d’autoriser ou non les batailles d’eau dans la rue de Khao San, comme le demandent les commerçants du quartier. 

L’Association des professionnels de Khao San a en effet pétitionné ces jours-ci les autorités afin d’obtenir l’autorisation d’organiser, ne serait-ce que dans une version limitée et contrôlée, des batailles d’eau dans ce lieu emblématique du tourisme. 

Avant l’épidémie du Covid-19, le quartier de Khao San attirait plus de 50.000 personnes par jour durant Songkran et les hôtels affichaient des taux d’occupation de 90 à 100%.

Alors que le pays a enregistré vendredi une forte baisse du nombre de décès du Covid-19, passant à 69 contre 82 la veille, une décision positive à Bangkok créerait un précédent qui pourrait profiter à d’autres villes. 

Toutefois, avec moins de trois semaines de battement, cela laisse peu de marge pour promouvoir l’événement auprès des touristes internationaux particulièrement attendus dans les sites touristiques en province.

"Il n’y a plus qu’à attendre 2023"…

Les villes de Pattaya, Phuket et Chiang Mai ont d'ailleurs déjà annoncé que le Nouvel An bouddhique serait uniquement traditionnel et qu’il n’y aurait pas de batailles d’eau.

Je crains qu’il y ait encore moins de visiteurs à Chiang Mai pour Songkran que l’année dernière”, déplore La-iad Bungsrithong, présidente de l’association des hôtels pour la région du nord de la Thaïlande (Northern Thai Hotel Association). 

Outre l’absence des batailles d’eau, La-iad Bungsrithong pointe également l’augmentation des prix de certains produits de consommation et surtout le prix de l’essence. 

Le tourisme international reste encore très faible et l’augmentation des prix devrait décourager un certain nombre de Thaïlandais de voyager. Je m’attends à des taux d’occupation de moins de 30% sur 60% d’hôtels actuellement ouverts", dit-elle. 

"Il ne nous reste plus qu’à espérer et attendre qu’en 2023 nous puissions revenir à la normale!”, conclut celle qui est également la directrice du RatiLanna Riverside Spa Resort à Chiang Mai. 

Pour un retour vers la tradition

Le Nouvel An bouddhique est célébré en Thaïlande du 13 au 15 avril. Durant ces trois jours, les Thaïlandais retournent auprès de leur famille, font un grand ménage dans la maison, se rendent au temple et font acte de respect envers leurs aînés et patrons par un rituel appelé Rod nam dam hua (รดน้ำดำหัว) qui consiste à verser un peu d’eau parfumée sur les mains. La tradition comprend également un aspect ludique où l’on s’asperge gentiment d’eau entre amis en se souhaitant mutuellement une vie heureuse.

Mais avec le développement du tourisme international, les aspects les plus joyeux de cette tradition ont été amplifiés ces dernières décennies pour donner lieu à des batailles d’eau géantes faisant intervenir toute la gamme des pistolets à eau -jusqu’à la lance à incendie !- dans un grand mouvement de liesse collective qui dure toute la journée et peut déborder sur une partie de la nuit dans certains endroits.

Or, ce glissement culturel qui éclipse plus ou moins la tradition ancestrale n’est pas vraiment du goût de l’establishment ultra-conservateur qui s’est installé au pouvoir en 2014 par un coup d’Etat, et dont l’une des missions est de ramener la société vers un respect plus strict des traditions.

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