Âgée de 36 ans, Estelle Nollet est pourtant une jeune écrivain qui a sorti son tout premier livre « On ne boit pas les rats-kangourous » en 2009. Avant la parution de son troisième roman en janvier 2014, elle est en Nouvelle-Zélande pour écrire le quatrième. Installée au Randell Cottage à Wellington, elle était de passage à Auckland la semaine dernière. Lepetitjournal.com l'a rencontrée. Echange autour de sa vie, de sa passion pour l'écriture et les voyages
Lepetitjournal.com - Que faisiez-vous avant d'être écrivain ?
Estelle Nollet - J'ai débuté ma carrière en tant que conceptrice rédactrice dans la publicité. Puis, début 2006, j'ai quitté la France, car j'ai été embauchée par une agence de publicité à Auckland. Mais je n'y suis restée que deux ans. J'ai vite dit au revoir à la pub pour me consacrer à la plongée sous-marine, que j'avais découvert en 2003. Là, j'ai entamé une courte carrière dans la plongée, puisque très vite je me suis mise à l'écriture et cela a très vite pris tout mon temps.
Vous dites que vous vous êtes consacrée à la plongée sous-marine, vous étiez monitrice ?
Je n'étais pas tout à fait monitrice, c'est ce que je dis à tout le monde pour simplifier. J'étais guide master, c'est à dire guide de plongée sous-marine. Je ne donnais pas de cours, mais j'emmenais des gens qui savaient déjà plonger.
Pourquoi avoir, plus ou moins, tout arrêté pour la plongée ?
Je continue à faire du free-lance dans la pub quand je rentre à Paris. Mais à l'époque, j'avais un problème moral avec la publicité. Travailler pour des compagnies que je n'estimais pas particulièrement me posait un problème éthique. La publicité à beau être un travail formidable, très créatif, avoir des idées toute la journée, c'est génial, mais j'avais besoin de nature, j'avais besoin de grands espaces, de me poser un petit peu. Et la plongée pour cela, c'est parfait ! La pub, c'est formidable, mais c'est excessivement stressant. Tandis que la plongée c'est formidable et excessivement calmant ! J'étais à un carrefour de ma vie, j'avais besoin de bouger. Et c'était aussi l'occasion de découvrir plein de pays. La publicité aussi nous envoie un peu partout mais moins. Grâce à la plongée j'ai pu aller en Australie, en Egypte, au Mexique, en Indonésie... Après, j'ai fait d'autres voyages, mais pour l'écriture. L'année dernière, j'ai passé toute l'année en Afrique pour écrire mon troisième bouquin.
Quel est le rapport entre la plongée et votre métier ?
Je ne pouvais pas écrire quand je bossais dans la publicité, parce que justement, toute la journée je devais avoir des idées et qu'en fin de journée, mon cerveau était trop fatigué. Physiquement j'avais besoin de faire des choses. Le contraire s'est passé avec la plongée sous-marine. C'est très relaxant, mais physiquement fatiguant et le soir, quand je terminais mon boulot de plongeuse, mon cerveau était tout en éveil, en manque d'idée, de créativité. C'est vraiment le passage à la plongée sous-marine qui m'a permis d'écrire, car le soir j'avais besoin de créer. Mais aujourd'hui je ne fais plus de plongée et je vis de mes livres.
Quand vous est venue cette idée d'écrire ?
C'est arrivé à peu près quand je suis arrivé en Nouvelle-Zélande, en 2006. Est-ce que c'est le fait d'être un peu en manque de ma langue maternelle ou ce sentiment de liberté que l'on a à l'autre bout du monde ? Toujours est-il que j'ai commencé à écrire des nouvelles, que je mettais en ligne sur un blog. Des courtes nouvelles, de quatre-cinq pages. Et quand je suis partie en Australie pour passer mon diplôme de plongée, j'ai continué à écrire. En Egypte, j'ai relu une de ces nouvelles et je me suis dit que j'allais la continuer. Cela a donné le premier livre On ne boit pas les rats- kangourous'. Les cinq premières pages, c'est la nouvelle, sans aucun changement.
D'où vient votre inspiration ?
C'est compliqué. Ça change selon les livres. Le premier est un livre sur des gens qui sont enfermés, qui sont dans un endroit désertique, qui passent leur temps à boire, qui n'ont pas d'espoir? On m'a demandé d'où était venue l'inspiration, lors de la publication, et je ne savais pas répondre. Mais quelques temps après j'ai compris que je m'étais inspiré d'un pub, près de Cairns, en Australie. Dans ce pub, les Aborigènes s'enivraient dès neuf heures du matin. Ils jetaient des canettes sur les Blancs? Dans mon livre, je ne parle pas des Aborigènes, ni du problème culturel, mais je pense que c'est quelque chose qui m'a vraiment touchée. Je crois que c'est le point de départ. Quand on voyage, on ne se rend pas forcément compte de l'inspiration que cela peut apporter, mais je pense à posteriori que cet endroit là était un déclencheur.
Vous voyagez énormément, et pourtant votre premier livre parle de personnes enfermées?
Quand j'ai écrit le livre, j'étais en Egypte, dans un village où il n'y avait qu'un hôtel. La première ville n'était pas loin, à 40 kilomètres. Mais avec les taxis égyptiens qu'on attend trois heures, impossible de vraiment bouger. J'avais le désert à gauche, la mer Rouge à droite et juste le centre de plongée. Je voyais les mêmes gens tous les jours, les paysages qui ne changeaient jamais? Et donc moi j'étais aussi enfermé. Et il se trouve que ce sont des choses que j'ai aussi comprises après. Et mon narrateur, qui cherche une sortie, c'était aussi un peu moi. Sauf que moi, j'étais heureuse? Mais à ce moment là, j'étais statique et enfermée. Et ce qui est rigolo, c'est que j'étais enfermé, mes personnages aussi, et pour m'évader je me suis inspirée de paysages que je ne connaissais pas.
Vous avez écrit un livre pour écrire un livre ou vous aviez prévu d'en écrire d'autres ?
Je pense que si mon premier livre n'avait pas été publié, je n'en aurai pas écrit d'autres. Parce que je suis comme ça. A l'école, je travaillais bien pour faire plaisir au maître. Je fais les choses pour qu'on m'aime. C'est mon fonctionnement. Donc là, quand on me dit "oui on t'aime, on aime ton livre", je vais en écrire un autre parce que je me sens un peu plus rassurée. Surtout aussi car il a été bien reçu. On se demande souvent si l'on peut vivre de ce métier, et grâce au succès de mon premier livre, je ne me suis pas posée de questions pour le second.
Entre la plongée et vos voyages, cela fait longtemps que vous n'êtes pas rentrée en France ?
En effet, cela va bientôt faire 15 mois que je ne suis pas rentrée à Paris. Mais je pense que je vais mettre le holà sur les voyages. La France ne me manque pourtant pas. C'est très intéressant de voyager tout le temps, mais c'est épuisant. Je ne fais que des séjours de six mois dans les pays que je visite. C'est quand je commence à avoir des repères, que je suis obligée de les détruire pour en construire d'autres. C'est simple: à partir du moment où l'on se sent bien dans un pays, on sait qu'il faut penser à regarder nos billets d'avion car le départ est proche. Ce mode de vie, que j'ai depuis 2007, m'a plu, mais aujourd'hui j'ai envie de faire une pause.
Existe t-il un pays qui vous a particulièrement marquée et où vous avez souhaité revenir ?
La Nouvelle-Zélande ! J'aimerai d'ailleurs y rester. Je serai incapable d'expliquer pourquoi. On se sent en sécurité. J'aime les pays où il y a une vraie relation avec la nature, comme ici. Et puis c'est assez proche de l'Europe, culturellement parlant et en même temps, il y a plein de différences. En fait, il y a énormément de raisons pour lesquelles j'aime ce pays. J'ai eu le coup de foudre dès que je suis arrivé à l'aéroport. Et le coup de foudre, ça ne s'explique pas?
Arthur Police (www.lepetitjournal.com/Auckland) mercredi 27 mars 2013